Les MLP avaient un plan de secours, qui, normalement, aurait dû être préparé en collaboration avec Presstalis, car on ne peut plus raisonner séparément. La distribution aurait été dégradée pendant un mois et demi, desservant les points de vente les plus importants. Les éditeurs auraient fini par s'organiser avec les MLP.
Je suis très attaché au système coopératif. La France est la deuxième économie coopérative au monde, ce que beaucoup de nos voisins nous envient. Ce système n'est pas la cause de la crise de Presstalis, qui, en réalité, n'applique pas ce principe. En 2010, à la suite du rapport Mettling, la gouvernance de Presstalis a été modifiée. Cela a eu pour conséquence de confier les responsabilités aux gros éditeurs, soit l'inverse de ce qu'est une coopérative. Je n'ai pas le sentiment que la situation se soit améliorée depuis.
Aux MLP, à l'inverse, l'assemblée générale vote pour désigner des administrateurs, qui élisent un président et rendent compte à l'assemblée. Toutes les typologies de titres sont représentées au sein du conseil d'administration.
La démocratie ne s'oppose pas à l'efficience économique. Pendant soixante-dix ans, le secteur a fonctionné en système coopératif, le seul qui garantisse la neutralité du réseau. L'entrée de capitaux aura pour objectif de dégager des bénéfices et donc à faire une discrimination entre les titres les plus rentables et ceux qui le sont moins, et tous les principes de liberté de la presse seront battus en brèche. Le contrôle du système est assez complexe. La nouvelle présidente de Presstalis a parlé de dilution des responsabilités ; je parlerai même de confusion, voire de disparition de la responsabilité.
La loi de 2011 a été faite pour laisser les éditeurs autoréguler leur distribution, mais cela a déséquilibré leurs responsabilités. Les deux principaux syndicats, celui de la presse magazine et celui de la presse quotidienne, disposent de la majorité au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). Ce dernier est donc dominé par les administrateurs de Presstalis et ses clients. Je suis membre de son assemblée générale en tant que président de MLP - je préférerais ne pas en être. Je n'ai cessé de protester contre cette régulation dirigée par les cartels. Les syndicats se réunissent le même jour, juste avant la réunion du bureau et décident à l'avance de ce qui sera fait. Je l'ai dit à mes pairs, il faut une meilleure représentativité du secteur ; il faut que les petits éditeurs, les diffuseurs, les dépositaires soient représentés. Quand un secteur est régulé par les entreprises qui le dominent déjà économiquement, le résultat ne peut être positif.
L'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) a été créée pour que les décisions des éditeurs bénéficient du sceau de l'État. En 2015, elle s'est un peu émancipée du CSMP, notamment en changeant de locaux. Elle a récemment pris des décisions contraires à celles de ce dernier, ce qu'elle n'avait pas les moyens de faire auparavant, avec ses quatre magistrats.