Intervention de Günther Oettinger

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 24 mai 2018 à 9h15
Audition de M. Günther Oettinger commissaire européen au budget et aux ressources humaines

Günther Oettinger, commissaire européen au budget et aux ressources humaines :

Je suis ravi de venir à Paris m'exprimer devant vous. Il y a quelques années j'avais déjà eu des échanges avec des sénateurs français, comme Mme Keller, en tant que représentant du Bundesrat. Je suis très désireux d'entendre vos réactions à l'égard du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Le 2 mai, nous avons présenté nos propositions avec les chapitres et les programmes ; au cours des prochaines semaines, jusqu'au 14 juin, nous allons les préciser, programme par programme, au rythme d'un paquet par semaine, en commençant par la PAC et la politique de cohésion la semaine prochaine. Sur cette base nous pourrons ensuite mener les négociations avec le Conseil et le Parlement européens, et recueillir les suggestions des parlements nationaux.

L'Union européenne a l'interdiction de s'endetter. Toute dépense doit correspondre à une recette. Avec le départ des Britanniques, contributeurs nets, le budget sera amputé de 12 à 14 milliards d'euros par an. Nous devons aussi répondre à de nouveaux défis pour financer la politique migratoire, le contrôle et la protection des frontières, la recherche dans le domaine de la défense, etc. C'est donc une quadrature du cercle : sans dette, nous devons financer de nouvelles missions, tout en assurant la poursuite des anciennes missions. En outre, les États membres nous ont clairement indiqué qu'une plus petite Union signifiait un plus petit budget. Pour entrer en vigueur, le CFP doit être adopté à la majorité au Parlement européen et doit recueillir l'unanimité des 27 États membres au Conseil de l'Union européenne. Nous avons fait tout notre possible pour trouver un équilibre entre des attentes très contrastées. Finalement tout le monde est déçu : les uns parce que nous ne faisons pas suffisamment de coupes budgétaires, d'autres parce que nous en faisons ; certains sont déçus parce que nous réduisons, modérément, la PAC, d'autre parce que nous réduisons, modérément, la politique de cohésion, d'autres parce que nous n'investissons pas assez dans la recherche ou la gestion des migrations... Les journaux économiques se demandent tous pourquoi les coupes budgétaires de la PAC sont aussi peu élevées tandis que la presse agricole et ruraledéplore ces coupes... Que feriez-vous si vous étiez à ma place ?

S'agissant des recettes, je pense qu'un plafond de 1 % du revenu national brut (RNB) n'est pas suffisant. Nous proposons un plafond de 1,114 % du RNB, soit une augmentation très modérée, alors même que les États membres se sont engagés à porter leur effort de défense à 2 % du PNB. Cette faiblesse du budget européen est à souligner. Pour porter l'effort à 1,114 % du RNB, je me heurte à une opposition farouche de Vienne, de Stockholm, de Copenhague, de La Haye ou encore d'Helsinki. Je vous demande de comprendre que si notre budget doit financer de nouvelles missions, si l'on veut développer certains programmes comme Erasmus plus, il doit également comporter certaines réductions budgétaires. Le départ des Britanniques aggrave encore l'équation.

La politique de cohésion et la PAC évoluent, mais restent les deux plus grands postes budgétaires. Entre 2021 et 2027, nous prévoyons 373 milliards d'euros pour la politique de cohésion, soit autant en valeur nominale qu'entre 2014 et 2020, mais pour 27 États membres et non 28. Depuis plusieurs années les crédits de la PAC sont déjà gelés en valeur nominale. Les subventions par hectare baisseront, en moyenne, de 3,7 %, en valeur nominale. Nous proposons de limiter la subvention des grandes exploitations pour protéger les plus petites.

Nous proposons aussi de créer de nouvelles ressources propres pour les diversifier. Certains veulent créer une taxe sur les transactions financières ; nous avons soumis une proposition en juin dernier mais tous les États ne sont pas d'accord. Une dizaine d'États réfléchit à instaurer une telle taxe au niveau national, mais il y a de grandes divergences sur le taux entre Paris, Rome ou Berlin. Je ne crois pas que nous pourrons instaurer une telle taxe dans les deux prochaines années. Quant à la taxe sur le numérique, la Commission a transmis une proposition au Conseil au mois de février qui doit l'analyser. Si le résultat des discussions est positif, je l'inscrirai dans le prochain cadre financier. J'écoute très attentivement les positions des États-membres. Je ne suis pas sûr que cette taxe sera véritablement créée. Serons-nous prêts à une escalade dans nos relations commerciales avec les États-Unis ? En juin, des droits de douane sur l'acier, l'aluminium et les voitures seront peut-être instaurés, la taxe numérique constituerait alors une escalade supplémentaire dans cette nouvelle relation avec les États-Unis. Je ne sais pas si nous pourrons parvenir à une unanimité sur le sujet.

Les propositions de la Commission européenne ne constituent qu'un point de départ. J'ai hâte de vous écouter, d'entendre vos suggestions, vos réactions et de répondre à vos questions.

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