Les seules modulations par le prix ne régleront pas tout. Nous sommes en train de faire des études économétriques très pointues pour voir, ligne par ligne, origine-destination par origine-destination, comment classifier l'ensemble des éléments.
L'arme que le Parlement a donnée à l'Arafer, c'est le pouvoir de collecte, qui nous permet, contrairement d'ailleurs à l'actionnaire principal de la SNCF, de demander à celle-ci telle ou telle information. Et la SNCF est obligée de nous la donner ; dans le cas contraire, le Parlement nous a donné un pouvoir de sanction colossal, puisqu'il peut aller jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée. Ce pouvoir de collecte nous permet de disposer de tous les éléments (souvent couverts par le secret commercial) nous permettant de mener des études économétriques.
Sur certaines lignes, l'équilibre ne sera pas assuré. Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que, pour assurer cet équilibre, il sera possible de conclure des conventions entre la SNCF, les opérateurs et l'État ou les régions : le président Maurey a raison de demander des précisions, parce que quand l'État dit « l'État ou les régions », ça se termine généralement par « les régions » !
C'est un peu plus complexe que cela en a l'air. Je n'ai pas évoqué devant vous la question des tests d'équilibre économique. Si une entreprise ferroviaire veut faire du Paris- La Rochelle, les régions concernées pourront signaler à l'Arafer que cela porterait atteinte à un service conventionné régional pour lequel la région paie et demander l'interdiction ou la limitation de ce nouveau service. Si l'Arafer (c'est le droit européen et cela existe déjà pour les « cars Macron ») constate en effet qu'il serait porté atteinte à un service conventionné, c'est-à-dire financé sur fonds publics, la mise en service de cette ligne sera interdite.
Sur Paris-La Rochelle, vous allez de Paris à Poitiers en TGV sur voie à grande vitesse, puis de Poitiers à La Rochelle sur une voie classique. Il se trouve que des TER assurent également la liaison entre Poitiers et La Rochelle. Si demain une société veut faire du Paris-La Rochelle alors que l'AOT concernée finance sur fonds publics du Poitiers-La Rochelle, l'Arafer sera saisie et interdira la nouvelle liaison en cas d'atteinte au service conventionné.
La majorité des parcours en TGV se font non pas sur des voies à grande vitesse, mais sur des voies classiques. D'où le nombre des dessertes. C'est aussi le rôle du Sénat de préciser dans quelles conditions les conventions pourront être signées pour définir les dessertes et comment seront décidés le maintien ou la création de nouvelles dessertes.
Nous sommes en train de faire les études économétriques et attendons les renseignements de la part de la SNCF. Les chiffres pour 2016 n'étaient pas très bons ; les chiffres pour 2017 seront bien meilleurs.
Pour répondre à la question de M. Maurey, l'Europe fixe deux limites. Premièrement, le coût global du péage ne peut pas dépasser le coût complet. Mais personne ne sait ce qu'est le coût complet. Tous les États européens financent largement leur infrastructure ferroviaire. Si le coût complet était assuré, cela signifierait que le système serait à l'équilibre.
Deuxièmement, il ne peut pas y avoir un accès à l'infrastructure à un coût inférieur au coût directement imputable dont je vous parlais tout à l'heure : une entreprise ne pourrait pas payer moins que les 20 % du coût global des péages, le coût directement applicable, c'est-à-dire ce que coûte le passage d'un train sur les rails, devant se retrouver dans la tarification. Mais puisque le coût complet n'a été atteint nulle part, on peut parfaitement travailler sur les deux redevances de modulation des péages.
Je sens une évolution possible s'agissant de la tarification provisoire. Je veux préciser un point, monsieur le rapporteur : nous n'avons pas subi le décret fixant la tarification pour 2018. J'ai accepté de ne pas ouvrir de contentieux après la validation par la ministre de la tarification avant même l'avis de l'Arafer, à condition que l'État actionnaire de SNCF Réseau active ses équipes pour parvenir à une tarification conforme aux règles européennes. Nous y sommes arrivés. Je ne regrette donc pas de ne pas avoir ouvert de contentieux. D'autres en ont ouvert, qu'ils risquent de gagner, parce qu'il n'est pas conforme à la réglementation européenne que le Gouvernement fixe par décret la tarification. J'ai préféré fermer les yeux sur 2018 pour préparer 2019. La tarification pour 2019 est d'ailleurs prête et sera soumise au collège de l'Arafer, qui, de mon point de vue, la validera.
Si jamais on ouvrait la possibilité d'une tarification provisoire supérieure au dernier tarif validé, on casserait la machine à incitation, le coeur du système de régulation dans notre pays : il n'y aurait plus besoin de nous saisir, il suffirait de dire qu'elle est indexée sur l'inflation ou le contrat de performance.
Certains aimeraient bien qu'on casse la machine à régulation dans notre pays ; mais sans régulation, le ferroviaire n'avancera pas.