Intervention de Bernard Roman

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 22 mai 2018 à 17h00
Audition de M. Bernard Roman président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières arafer

Bernard Roman, président de Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) :

Monsieur Cornu, les seules modulations du prix des péages ne permettront pas de régler l'ensemble des problématiques d'aménagement du territoire.

Madame Bories, il n'est pas un seul exemple de réforme réussie à l'étranger sans reprise de la dette. Il n'est pas un exemple étranger de fonctionnement harmonieux du système ferroviaire et de modèle économique pérenne pour le gestionnaire d'infrastructure sans un investissement massif et continu de l'État. En France, l'État investit de manière importante, et ce depuis toujours, dans les infrastructures. Le problème, c'est que ces investissements ont été concentrés pendant vingt ans sur les lignes à grande vitesse, au détriment de l'ensemble des 30 000 kilomètres de voies, lesquelles se sont dégradées. Cela étant dit, des efforts de performance doivent faits en termes de gestion des infrastructures. Un gain de 1,5 milliard d'euros pourrait être réalisé. Il est nécessaire que nous ayons un modèle économique le plus fiable possible.

M. Jacquin m'a interrogé sur le maintien de la holding. Nous ne cessons d'écrire depuis 2015 que, soit on clarifie et on définit très précisément les compétences de l'EPIC de tête, soit on le supprime. Je ne suis pas dans mon rôle en vous le disant, le rôle de l'Arafer n'étant que de se prononcer sur l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure, mais nous pensons que nous nous apprêtons à commettre la même erreur que celle qui a été faite à l'origine dans le secteur de l'énergie, lorsqu'on a mélangé la distribution et la propriété du réseau. Il a ensuite fallu les séparer.

Le maintien de la « Grande Maison » s'explique également par des raisons sociales : objectivement, pour les cheminots, il est plus sécurisant d'appartenir à une même et grande maison que d'être éclatés entre deux ou trois sociétés anonymes.

Mme Vullien, les problèmes du fret dans notre pays s'expliquent par la difficulté à obtenir des sillons sûrs, en raison de l'état du réseau, des travaux nécessaires et des milliers de chantiers qui sont réalisés en priorité la nuit, au moment où les voies sont utilisées pour le fret. Le réseau doit être régénéré, ce qui prendra une dizaine d'années au minimum. Il faut pour cela investir 40 milliards d'euros, à hauteur de 3 ou 4 milliards d'euros par an.

M. Corbisez, la plupart des investissements réalisés dans les gares, y compris en termes d'accessibilité, étaient financés par la région. Vous avez raison, il faut déléguer la gestion des gares aux collectivités locales, y compris aux intercommunalités. Il existe des exemples d'intercommunalités ayant demandé à gérer leur gare. Les questions de trafic et de sécurité sont prises en charge par la SNCF, mais la gestion de la gare, son développement et son insertion dans le milieu urbain sont pris en charge par l'intercommunalité.

M. Marchand a évoqué une question essentielle. Lorsqu'il y aura plusieurs opérateurs, l'usager devra bien entendu disposer d'un guichet unique où accéder à l'ensemble de l'offre. Certes, il peut arriver, comme cela se passe chez certains voisins européens, que certains souhaitent empêcher que l'offre des autres apparaisse. Cette question est traitée dans plusieurs amendements transpartisans. Donner à l'Arafer un pouvoir de régulation, de contrôle, voire de règlement des différends dans ce domaine est envisageable, à condition de lui octroyer les moyens d'assumer ces fonctions !

M. Gontard a évoqué la modulation des péages, j'ai répondu à sa question.

Monsieur Dantec, permettez-moi de vous remettre le bilan ferroviaire 2015-2016 réalisé par l'Arafer. C'est la première fois dans notre pays qu'est réalisé un bilan exhaustif du coût du kilométrage parcouru, de la régularité, des retards et des suppressions de trains. Vous verrez que certains chiffres sont très trompeurs. Il est vrai que le coût du kilomètre de TER est passé de 10 euros à 17 euros en une dizaine d'années. Mais il faut rapporter ce coût au nombre de passagers transportés. Si un TER transporte deux fois plus de passagers qu'il y a dix ans, cela signifie que le coût du kilomètre passager est deux fois moins élevé aujourd'hui.

Vous constaterez dans ce bilan que le coût investi par les régions dans leurs TER varie plus que du simple au double. Ainsi, le nombre de personnels nécessaires pour faire 100 kilomètres en TER varie de 20 % ou 30 % entre certaines régions. Cette question mérite réflexion. La direction des TER basée à Lyon s'interroge sur ces sujets. Les marges de progression sont colossales.

En 2016, pour chaque kilomètre parcouru par passager dans un service régional conventionné, l'usager a payé en moyenne 6,5 centimes, le complément, de 17,7 centimes, ayant été payé par la région. En Limousin, les concours publics représentent 90 % du coût du TER, contre 65 % en Alsace.

Ensuite, des choix politiques sont faits, des choix de service public. Certaines régions dépensent beaucoup d'argent pour des dessertes sur lesquelles voyagent très peu de gens. On évoque toujours une ligne, que je ne citerai pas, qu'une région a décidé d'électrifier, pour un coût de 80 millions d'euros, alors que seuls quelques passagers l'empruntent chaque semaine. Je ne jette pas la pierre à cette région. Peut-être a-t-elle pensé provoquer ainsi une dynamique, mais elle s'est trompée. On peut tous se tromper dans nos choix politiques, mais cela signifie qu'il faut s'interroger sur ces questions.

L'Arafer ne peut pas être garante du coût pour les régions. Ce n'est pas notre mission.

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