Le statut du notariat en Alsace Moselle présente des particularités liées à l'histoire de ces trois départements que nous évoquons. Suite à l'armistice de 1918, les trois départements sont redevenus français. La question s'est posée de savoir si le notariat local conservait son statut datant du 18 juin 1872, ou si on réintroduisait le système existant de la patrimonialité. La loi française du 17 juillet 1925 a écarté pour l'Alsace-Moselle le principe de patrimonialité qui prévaut en droit génréral pour la profession de notaire : la nomination à un office notarial se fait ainsi par le ministère de la justice et une commission ad hoc. Le décret-loi du 22 mai 1955 a introduit une épreuve de concours.
Aujourd'hui, le recrutement de notre profession, dans les trois départements, est soumis à une exigence de concours. Pour y postuler il faut remplir plusieurs conditions : être titulaire du diplôme de notaire, être français ou ressortissant de l'Union européenne, avoir une pratique professionnelle de trois ans, dont deux ans de stage ininterrompus chez un notaire. Le jury est composé d'un magistrat de l'ordre judiciaire, d'un professeur de droit, d'un fonctionnaire de la direction générale des finances publiques et de trois notaires du ressort de nos cours d'appel. Le concours est organisé au moins une fois par an. Le nombre de places disponibles est défini par un arrêté du garde des sceaux. L'épreuve écrite consiste en la rédaction d'un acte et une série de questions. L'épreuve orale porte sur le droit civil, le droit local ainsi qu'une discussion avec le jury. Pour l'admission, il ne suffit pas d'avoir eu la moyenne aux épreuves, il faut être intégré dans le contingent des places offertes. Enfin, le candidat reçu n'est pas nommé d'office. Il est nommé par arrêté du garde des sceaux, après que la commission de présentation des offices vacants s'est réunie. Composée de magistrats et de représentants de la profession, cette commission a un rôle consultatif mais une fonction régulatrice. Elle constitue le garant d'un recrutement impartial des notaires.
Les notaires exercent également des missions spécifiques en Alsace-Moselle. Le notaire agit comme délégué du tribunal. Ainsi, pour les partages judiciaires, la juridiction n'est saisie qu'en cas de difficulté. De même, l'exécution forcée immobilière est supervisée par le notaire ; il dirige les débats et rédige le cahier des charges. Les débats ont lieu à l'office du notaire, et non à la barre du tribunal. Il veille également au bon fonctionnement du livre foncier. À titre anecdotique, le notaire d'Alsace-Moselle peut rédiger des actes en langue allemande, et dispose d'un régime de retraite spécial.
L'un des enjeux actuels est la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. L'article 52 de cette loi ne s'applique pas dans nos trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Il prévoit la liberté d'installation dans les zones de carence. D'ailleurs, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi, un rapport au Parlement devait être rendu pour évaluer cette mesure. Il n'a pas été publié à notre connaissance. Nous pensons que le système qui existe en droit local est au coeur de la modernité. Il répond au besoin d'égalité des chances grâce à l'absence de la patrimonialité, au principe de concours permettant l'accès à la profession et par une nomination impartiale garantie par le rôle régulateur de la commission ad hoc. En outre, il assure un haut niveau de connaissances et de pratiques par l'exigence du stage.
En cas d'extension du principe de liberté d'installation des notaires en Alsace-Moselle, deux approches sont possibles. La première consiste à ne rien faire. Mais cela ne serait pas forcément la bonne solution, car deux systèmes coexisteraient, le concours et le tirage au sort. L'autre solution consisterait à s'appuyer sur le concours qui a fait ses preuves. Il est possible d'organiser plusieurs sessions. On pourrait organiser une session spéciale, avec un élargissement des conditions d'inscription. Cela serait également une solution pour les clercs de notaire qui vont perdre leur habilitation en 2020. Ils pourraient passer le concours sans condition de stage.