Intervention de Rémy Pointereau

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 12 avril 2018 : 1ère réunion
Présentation par mm. les rapporteurs rémy pointereau et martial bourquin des conclusions du groupe de travail sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau, co-rapporteur de la proposition de loi :

Martial Bourquin vient de rappeler les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous avons souhaité avec cette PPL remettre les élus locaux au coeur de l'action pour qu'ils puissent déployer des stratégies territoriales responsables de développement de leurs centres-villes. Nous nous trouvons en effet devant un enjeu de société qui doit représenter une cause nationale pour le Sénat. La principale question que nous devons nous poser est de savoir quelle ville nous désirons pour l'avenir. Souhaitons-nous des villes à l'américaine ou à l'européenne ? Nous avons défini nos actions en fonction de ce questionnement.

L'un des piliers de notre PPL a consisté à définir un périmètre du centre-ville. Nous avons ainsi créé une opération de sauvegarde économique et de redynamisation, que nous désignons par l'acronyme OSER. Elle sera accessible aux élus qui délimiteront eux-mêmes le périmètre de leur centre-ville en difficulté avec une gamme de mesures structurelles associées. Contrairement aux ORT (opérations de revitalisation de territoire) prévues dans le cadre du projet de loi ELAN, ces initiatives visent à régler la problématique du commerce de manière globale sur le territoire.

Aujourd'hui, nous savons que le e-commerce augmentera de façon exponentielle dans les années à venir. En outre, la problématique de la périphérie se pose, à travers les centres commerciaux suburbains. Les ORT excluent en réalité certains territoires. Elles concernent des villes de 15 000 ou 20 000 habitants, voire plus. Les petites villes ne pourront pas y prétendre. Pour cette raison, nous avons tenu à parler de centres-villes et de centres-bourgs. L'opération OSER sera donc ouverte à tous les territoires, indépendamment d'une liste établie au sein d'un quelconque cabinet ministériel. Nous percevons en effet les ORT comme une méthode de recentralisation. Ce dispositif concerne 220 villes désignées pour cinq ans. Or nous estimons qu'environ 600 villes se trouvent aujourd'hui en difficulté. Ces chiffres indiquent que les ORT mettront au total plus de 15 ans à revitaliser les centres-villes qui en ont besoin. En outre, les villes qui veulent démarrer de véritables opérations de revitalisation se heurtent à un problème de déficit en ingénierie. De nombreuses villes parmi les 220 qui mettront en place des ORT seront contraintes par ce déficit. Mais sans ingénierie de projet, la contractualisation avec l'État sera bloquée, comme le rappelait récemment le président de l'ADCF.

Le deuxième pilier de notre proposition consiste donc à créer une agence des centres-villes et des centres-bourgs, qui aura précisément pour mission d'aider les collectivités et intercommunalités à disposer de capacités d'ingénierie et d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Ce guichet unique pourra d'ailleurs être en lien avec l'agence de cohésion territoriale prévue par le ministre de la Cohésion des territoires.

En parallèle, afin de renforcer le pouvoir des élus et de leur donner la possibilité d'orienter le commerce sur le long terme à travers des stratégies territoriales responsables, nous proposerons de rendre obligatoire le document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC). Ce document sera en outre prescriptif dans les SCOT pour aider à développer des zones commerciales. Il s'agira par conséquent d'un document de base.

Nous souhaitons de plus que les périmètres OSER soient protégés de la fuite des équipements des services publics. Nous avons prévu que les autorités responsables de ces services informent en amont les élus de leurs projets de transfert. Les élus pourront d'une part s'y opposer et d'autre part récupérer les locaux de façon prioritaire par un droit de préemption.

Cependant, si nous ne révisons pas le système de régulation des implantations des grandes surfaces, notre mission risque fortement d'échouer. Les actuels CDAC accordent 90 % des implantations sans considération de l'impact sur le tissu commercial local. Aujourd'hui, le document ne comprend que l'étude d'impact environnemental. En conséquence, depuis plus d'une décennie, les surfaces commerciales croissent plus vite que la consommation, y compris dans certains territoires où la population baisse et où le pouvoir d'achat n'augmente pas. Plusieurs pays voisins se montrent plus rigoureux sur les implantations de grandes surfaces en périphérie. Il nous semble que la France a procédé avec la LME en 2008 à une surtransposition de la directive « Services » qui a détérioré notre dispositif de régulation.

Nous proposons donc un certain nombre de mesures sur ce point, comme la rénovation de la composition de la CDAC en y intégrant notamment des représentants du tissu économique local, tels que les chambres consulaires et les communes limitrophes.

Ensuite, nous souhaitons mettre en place l'obligation d'une étude d'impact économique et financier des projets, en particulier sur les emplois créés et détruits ainsi que sur les conséquences en termes de transports et de coûts induits pour la collectivité.

En outre, nous demanderons la réécriture des critères d'autorisation de telle façon que le juge administratif ne puisse plus considérer que l'autorisation est le principe tandis que le refus demeure une exception. Le demandeur devra prouver que son projet ne nuit ni au tissu commercial ni au développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et des communes de l'EPCI. Ces critères tiendront également compte de l'incitation à reprendre des friches commerciales, des locaux vacants ou à s'implanter prioritairement en centre-ville.

Notre objectif vise à procéder à l'abaissement du seuil d'autorisation des implantations à 400 mètres carrés au lieu de 1 000 mètres carrés, à l'exception des périmètres OSER. Pour rappel, la ville de Paris a déjà ramené ce seuil à 400 mètres carrés.

Enfin, nous souhaitons une refonte du dispositif de contrôle du respect des autorisations d'exploitation commerciale, qui s'avère aujourd'hui inefficace.

À l'inverse, nous voulons faciliter certaines implantations de commerces en centre-ville en les exonérant d'autorisations commerciales, tout en maintenant certaines garanties. L'exonération générale prévue dans le projet de loi ELAN conduirait à laisser les maires sans capacité d'action face à des projets qu'ils pourraient juger dangereux. Nous ne sommes pas favorables à ce type de dispositif. Nous envisageons plutôt d'exonérer de CDAC certains types de projets, tels que les magasins de producteurs, les projets implantés sur d'anciennes friches commerciales ou des projets mixtes d'habitat et de commerces.

Il convient évidemment de prévoir des financements correspondants à ces mesures. En effet, les collectivités ont besoin de moyens pérennes pour mener ces opérations. Il nous semble que la dépendance des collectivités à la manne de l'État par le biais de l'« Action coeur de ville » équivaut à une forme de recentralisation. En conséquence, nous préférons dégager des ressources durables en développant deux éléments de fiscalité écologique. Leurs ressources seront fléchées vers les collectivités signataires des conventions OSER. Le premier de ces éléments consiste en une contribution pour lutter contre l'artificialisation des terres consommées par les parkings, les surfaces commerciales et les entrepôts de stockage liés au e-commerce. Le second élément prendra la forme d'une taxe sur les livraisons des GAFA afin de combattre les externalités négatives de la multiplication des livraisons sur l'environnement. Nous avons d'ailleurs rencontré le Ministre de l'Environnement Nicolas Hulot, qui s'est montré vivement intéressé par cette proposition.

La mise en oeuvre de ces mesures structurelles exigera du temps. Or la situation est urgente. Nous sommes donc favorables à un dispositif de stabilisation des implantations commerciales. Nous proposons de donner la liberté et la responsabilité aux élus de mettre en place des moratoires locaux dans les zones en difficulté, tout en neutralisant les effets de concurrence entre les collectivités. Le préfet pourrait en outre étendre le moratoire décidé par une collectivité s'il estime que des projets d'implantation commerciale mettraient en péril des opérations de sauvegarde économiques de redynamisation.

Voilà la première salve d'articles que nous proposons.

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