Intervention de Jean-Pierre Sueur

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 12 avril 2018 : 1ère réunion
Table ronde réunissant des auteurs de travaux parlementaires et des chercheurs dans le cadre des travaux de la délégation sur le statut des élus locaux

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

J'ai été secrétaire d'État aux collectivités locales pendant deux ans et demi. J'y ai préparé la première loi, du 3 février 1992, sur le statut de l'élu. Cette loi est parue quelques jours avant la loi sur l'administration territoriale de la République qui a été créé les intercommunalités. La loi de février 1992 a codifié les indemnités ; elle a également instauré des congés et une retraite (par capitalisation plutôt que par répartition) pour les élus. Nous avions aussi instauré un droit à la formation pour les élus locaux. Ces quatre acquis avaient été bien perçus par les intéressés. Depuis 25 ans, j'entends toujours dire que nous avons besoin d'un vrai statut de l'élu local. Pourtant, la compilation de tout ce qui a été adopté entre 1992 et 2018 constitue déjà un corpus très important. Il est évidemment possible d'améliorer les choses, mais l'on ne peut pas dire qu'il n'existe pas, aujourd'hui, de statut de l'élu.

Lorsque Jean-Pierre Bel était président du Sénat, nous avions organisé des assises de la démocratie locale, avec des réunions dans les 101 départements et une grande réunion à Paris. Tout le monde se demandait si cette grand-messe servirait à quelque chose. Jean-Pierre Bel a chargé deux personnes, dont je faisais partie, de formuler deux propositions de loi. C'est ce que nous avons fait.

La première loi a porté sur les normes applicables aux collectivités locales. Les normes sont un sujet important pour les élus. Je crois donc que nous avons été utiles en créant un conseil censé donne un avis sur l'ensemble des projets de loi, de décret, d'arrêté et de circulaire qui ont un impact sur les normes applicables aux collectivités locales. Par exemple, lorsque la fédération française de basket décide de changer la taille des panneaux d'affichage du résultat, elle instaure une dépense obligatoire pour plusieurs centaines de communes. Ce conseil national fonctionne bien, même s'il est toujours convoqué très tard par le gouvernement. Nous avions également préparé une loi organique, qui n'est pas arrivée à son terme, afin que l'avis de ce conseil soit annexé aux projets de loi, de la même manière que le sont les études d'impact.

Par ailleurs, nous nous sommes rendus coupables d'un texte de loi s'intitulant « proposition de loi visant à faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat ». Initialement, ce texte comportait 7 articles. À l'issue de la navette, il en comportait 19, preuve que le sujet a beaucoup intéressé les parlementaires. Ces 19 articles ont ajouté beaucoup d'éléments en termes d'indemnités, d'autorisation d'absence, de congés ou de droits sociaux.

Au final, on ne peut vraiment pas dire que le corpus n'est pas assez imposant, même s'il faut sans doute l'améliorer.

Dans les petites communes, les élus avaient souvent des scrupules à se voter l'indemnité à laquelle ils ont pourtant droit. Les finances de leurs communes sont tellement étroites qu'ils préféraient ne pas en parler. L'association des maires de France nous a donc expliqué qu'il serait plus simple pour les élus que le vote de cette indemnité devienne une obligation légale. Nous avons alors inscrit dans la loi que le vote de la perception par le maire de l'indemnité maximale à laquelle il a droit, qui n'est vraiment pas énorme, surtout au regard du nombre d'heures de travail, serait obligatoire dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dès le lendemain, l'association des maires de France s'est félicitée de cette loi au travers d'un communiqué. En revanche, dans les semaines et les mois qui ont suivi, des maires ont déploré cette injonction, estimant qu'elle les obligeait à procéder à des dépenses inutiles dont ils ne voulaient pas et qui seraient mal vues. L'association des maires de France s'est alors retournée vers nous pour nous demander davantage de souplesse. Le parlement a donc voté une nouvelle loi visant à rendre le dispositif facultatif.

Cet exemple montre que le chemin sera long et escarpé. Nous avons fait pas mal de choses. Le travail n'est évidemment pas terminé, mais il ne faut pas méconnaître ce qui a déjà été fait. Par exemple, l'article 2 de la loi visant à faciliter l'exercice par les élus locaux de leurs mandats contient une charte des élus locaux.

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