Je souhaite tout d'abord remercier Dominique de Legge pour son initiative, à laquelle j'ai souhaité m'associer.
Cette proposition de loi répond à une demande récurrente du monde combattant qui a systématiquement été rejetée par les Gouvernements successifs. Elle met un terme à une situation d'injustice criante.
Elle permettrait, par ailleurs, de satisfaire un engagement de campagne du Président de la République.
La carte du combattant manifeste la reconnaissance de la Nation envers ceux qui l'ont servie par les armes. Elle ouvre droit à des avantages symboliques, comme le port de la croix du combattant, ou matériels, notamment le bénéfice d'une retraite annuelle d'environ 750 euros et d'une demi-part fiscale supplémentaire.
Créée à la suite de la première guerre mondiale, cette carte a par la suite été étendue aux conflits ultérieurs, parfois même avant qu'ils ne soient terminés. En 1993, elle a été attribuée aux soldats de la quatrième génération du feu, qui ne participent plus à des guerres à proprement parler mais à des opérations extérieures.
Néanmoins, la reconnaissance de la qualité de combattant aux militaires, bien souvent de jeunes appelés, qui ont participé à ce qui était désigné comme des opérations de maintien de l'ordre en Afrique du nord a été plus difficile.
Un « titre de reconnaissance nationale », qui n'ouvre droit ni à la retraite du combattant ni à la demi-part fiscale a tout d'abord été créé en 1967. En 1974, la carte du combattant a finalement été attribuée, mais uniquement aux militaires ayant servi jusqu'au 2 juillet 1962. Cette date correspond à l'accès à l'indépendance de l'Algérie. Elle est postérieure au cessez-le-feu du 18 mars mais ne correspond pas pour autant à la fin de la présence militaire française. En effet, en application des accords d'Évian, le retrait s'est fait de manière progressive jusqu'au 1er juillet 1964. Au total, plus de 75 000 soldats français ont été déployés sur cette période.
En 1999, le législateur a reconnu que les évènements d'Afrique du Nord étaient une guerre et que cette guerre a pris fin avec l'accès de l'Algérie à l'indépendance. Les militaires français présents sur le sol algérien après cette date ne participaient donc pas à une guerre. Toutefois, leur présence est tout à fait assimilable à une opération extérieure et on voit mal, dès lors, ce qui s'oppose à la reconnaissance de leur qualité de combattant. Je précise que certaines des Opex reconnues par l'arrêté du 12 janvier 1994, modifié plusieurs fois, étaient moins intenses et moins dangereuses que la présence en Algérie en 1962-1964.
Il s'agit donc d'une question d'équité entre générations du feu.
Il s'agit également d'une question d'égalité entre frères d'armes. En créant ce qu'on appelle communément la « carte à cheval », la loi de finances pour 2014 a en effet instauré une différence de traitement assez injustifiable. Un soldat présentant quatre mois de service, arrivé en Algérie le 30 juin 1962 a ainsi droit à la carte du combattant et aux avantages y afférents alors que son compagnon d'armes arrivé le 3 juillet en est privé.
Le Sénat s'est prononcé en faveur de cette mesure à l'occasion du vote du budget de la mission Anciens combattants pour 2018. Madame la ministre, vous vous étiez engagée à mener un travail sur la question et notamment à en évaluer le coût. Il semble que ce travail a abouti, puisque vous avez annoncé hier l'intention du Gouvernement de mettre en oeuvre cette mesure dans le cadre de la prochaine loi de finances. Je me félicite de cette annonce et je suppose donc que vous serez favorable à cette proposition de loi.
Votre ministère évalue le nombre de bénéficiaires potentiels à 50 000. Ce chiffre me paraît élevé, dans la mesure où le nombre de militaires déployés au cours de la période considérée s'élève, toujours selon les chiffres fournis par vos services, à 75 000, dont 12 000 ont déjà reçu la carte dite « à cheval ».
En retenant cette hypothèse, la mesure proposée coûterait 37,5 millions d'euros au titre de la retraite du combattant et générerait une dépense fiscale que l'on peut évaluer à 30 millions d'euros au titre de la demi-part fiscale. Les autres coûts n'apparaissant pas significatifs, le coût de la mesure serait inférieur à 70 millions d'euros, soit moins que la réduction annuelle du budget des anciens combattants sous l'effet de l'extinction progressive de la deuxième génération du feu. La mesure pourrait donc être financée moyennant une moindre baisse des dépenses l'année prochaine. Au demeurant, ce coût est naturellement appelé à se réduire rapidement au cours des prochaines années.
Nous devons cette reconnaissance à nos anciens combattants et nous n'avons que trop tardé à leur accorder. Le temps presse. Cette proposition de loi devrait recueillir un large consensus, oserais-je espérer une unanimité, et je vous proposerai donc de l'adopter sans modification.
Je vous remercie.