Vos nombreuses interventions montrent l'importance de cette question des travailleurs détachés, qui sont maintenant présents partout.
Notre insatisfaction, cher Jacques Bigot, tient au fait qu'il faut, sur ces questions européennes, parvenir à des compromis. D'où l'intérêt de notre résolution pour aller plus loin. Mais, comme l'a dit Pierre Ouzoulias, c'est assez décevant : un peu comme avec la fiscalité des entreprises, ces avantages comparatifs ont fini par figer les choses, alors qu'au contraire la mobilité devrait créer une forme de convergence. On ne trouve plus de Polonais pour ramasser les asperges, ce qui est bon signe : cela veut dire que leur rémunération moyenne augmente et qu'ils se tournent vers des fonctions plus qualifiées, conformément au mécanisme d'intégration voulu par les fondateurs de l'Europe.
Notre proposition de résolution contient de nombreux éléments, dont nous pourrions faire la synthèse afin de la relayer.
L'enjeu des entreprises sous-traitantes concerne en particulier le BTP. Les professionnels que nous avons auditionnés nous ont même parlé d'effets d'éviction : par exemple, si le nombre d'apprentis a baissé dans ce secteur, c'est notamment parce qu'ils ont été remplacés par des travailleurs détachés. Cette obligation faite à l'entreprise d'exercer au moins 50 % de son activité sur le territoire où elle est immatriculée vise à lutter contre cette sous-traitance en cascade. Certains collègues ont d'ailleurs fait remarquer que ce sont très largement des travailleurs détachés qu'on retrouve sur les chantiers d'équipement numérique, financés par l'argent public. Il y a donc un problème de cohérence d'ensemble.
Je salue l'engagement au Parlement européen d'Élisabeth Morin-Chartier et de sa collègue rapporteure Elisabeth Jangerius, qui se sont donné du mal. Il n'était pas évident d'aboutir sur cette révision de la directive travailleurs détachés. Il est simplement dommage que le transport soit exclu de ce compromis, puisque même la directive de 1996 n'est appliquée que dans quatre États membres.
Le risque de cabotage évoqué par Jean-François Rapin est majeur. Il faut en effet être beaucoup plus ferme sur ce blocage du cabotage, notamment pour la raison très technique que j'ai indiquée.
Les entreprises « boîte aux lettres », dont a parlé Claude Kern, sont très clairement visées dans la proposition de résolution. Il faut s'assurer de la réalité du travail dans le pays d'établissement de l'entreprise (nous fixons un seuil de 50 % de l'activité). Tous les secteurs sont concernés, pour des motivations différentes (fiscalité, travail détaché, etc.). On ne pense pas forcément à ces mécanismes de contournement du concept d'entreprise.
Sur la transition énergétique, point tout à fait pertinent soulevé par André Gattolin et Pierre Ouzoulias, la croissance considérable du transport routier nous ramène à la question d'une écotaxe, qui n'a toujours pas été mise en place de manière harmonisée dans l'Union européenne, à la question des normes Euro, à la question des zones. Par exemple, certaines zones portuaires mettent en place des règles assez strictes en raison de la mauvaise qualité de l'air (bateaux utilisant des carburants de très médiocre qualité, noria de camions pour décharger les marchandises).
Il faut creuser cette question de la capacité des réservoirs des camions. Dans un de mes précédents rapports, j'indiquais que la France vendait 80 % du gazole consommé sur son territoire, tandis que le Luxembourg en vendait quatre fois plus qu'il n'en consommait, en raison de sa faible fiscalité. Par ailleurs, les grands axes de circulation à partir des ports néerlandais et belges passent par le Benelux, les camions faisant donc le plein avant de passer en France pour aller en Espagne. Mais peut-être la consommation des camions a-t-elle diminué aussi.
La conditionnalité des fonds sociaux européens est un vaste sujet. Il est compliqué d'agir ainsi à l'égard de pays qui ont besoin d'être épaulés pour leur permettre de rejoindre les standards européens. D'autant que nous avons tout intérêt à cette convergence européenne.
Colette Mélot a souligné qu'un travail est amorcé et que nous progressons sur ces questions de la dérégulation du travail détaché, de cette sous-traitance en cascade, sans sous-estimer les effets de fuite des plus réactifs, c'est-à-dire les personnes qui, ayant plusieurs employeurs, contourneraient ainsi la réglementation.
En conclusion, nous devons être heureux de ces avancées, mais fermes sur la poursuite nécessaire d'un approfondissement européen sur la directive sécurité sociale et la directive travailleurs détachés.