Intervention de Danielle Bousquet

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 24 mai 2018 : 1ère réunion
Table ronde sur les conditions d'exercice des mandats locaux par les élues

Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE-fh) :

Merci de votre invitation et bravo pour cette initiative conjointe. Il y a beaucoup à dire sur l'exercice des mandats locaux par les femmes élues. Le Haut Conseil à l'Égalité, que je préside, a bien entendu travaillé sur ces questions. La commission Parité du HCE-fh s'est penchée sur cette épineuse question de la parité au niveau local. Nous avons remis en février 2017 à Laurence Rossignol, alors ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, un rapport sur ce sujet intitulé « Parité au niveau local : en l'absence de contraintes légales, le partage des responsabilités s'arrête aux portes du pouvoir ».

Avant d'examiner les conditions d'exercice des mandats locaux par les élus, je rappelle qu'une intervention de l'État et la fixation de règles sont indispensables pour que les femmes puissent exercer ne serait-ce qu'un mandat local. La parité, c'est le partage à égalité entre les femmes et les hommes du pouvoir de représentation et de décision dans toutes les sphères de la vie citoyenne ; c'est le partage des places, mais aussi des responsabilités.

Malgré des progrès indéniables, nous sommes encore loin du compte. Quinze ans après les premiers dispositifs paritaires, on constate que là où il y a des contraintes, la parité est une réalité, y compris au sein des exécutifs : 50 % de femmes dans les assemblées et les exécutifs des conseils départementaux, conseils régionaux et conseils municipaux des villes de plus de 1 000 habitants. En complément des réformes constitutionnelles, des lois d'application ont ainsi prévu des listes paritaires par alternance pour toute élection au scrutin de liste, ou un scrutin binominal pour les élections départementales.

Mais, dès lors que les règles ne sont qu'incitatives ou qu'il n'existe pas de véritable contrainte paritaire, la part des femmes reste faible. Dans les collectivités locales, le numéro un reste un homme. Huit régions sur dix sont présidées par un homme, neuf départements et intercommunalités sur dix, et 84 % des maires sont des hommes. Même chose pour le numéro deux : 72 % des premiers vice-présidents de région sont des hommes, 65,3 % des premiers vice-présidents de département, 80 % des premiers vice-présidents d'intercommunalité, 71,5 % des premiers adjoints dans les communes.

La fusion des intercommunalités, prévue par la loi NOTRe, représente une opportunité mais aussi un risque majeur pour la parité, comme le souligne notre rapport de février 2017 intitulé « Quel partage entre les hommes et les femmes au niveau local ? ». Grâce à la loi du 17 mai 2013, qui prévoyait des dispositifs paritaires du fait de l'instauration du scrutin de liste paritaire pour l'élection des conseillers municipaux, la part des femmes dans les conseils communautaires était passée, lors des élections de 2014, de 20 % à 34 % ; un progrès relatif, donc. Mais au-delà d'un meilleur partage des places, le pouvoir reste masculin : 80 % des vice-présidents et 92,3 % des présidents d'EPCI sont des hommes...

Depuis les fusions d'EPCI, la part des femmes dans les conseils communautaires est passée de 32 à 31 % ; 92,5 % des EPCI sont présidés par un homme, contre 91,5 % auparavant... Moins d'un EPCI sur dix est dirigé par une femme. Il faut donc des règles paritaires pour permettre l'accession des femmes à la tête des intercommunalités.

Il faudrait que la distorsion entre les assemblées locales et les conseils communautaires en termes de représentation des femmes fasse l'objet d'une loi organique avant mars 2019, dans la perspective du prochain scrutin municipal.

Les recommandations du HCE-hf s'organisent autour de trois axes. D'abord, le renforcement des règles paritaires dans les communes, pour agir indirectement sur les intercommunalités ; ensuite, l'instauration de règles paritaires aux élections des conseils communautaires, en agissant sur les modalités électorales : scrutin de liste intercommunal paritaire ? Proposition paritaire et tirage au sort si nécessaire ? Devant la spécificité des groupements de communes, il faut poursuivre la réflexion pour garantir la parité au sein des conseils et des exécutifs ; enfin, le contrôle et le suivi de la mise en oeuvre des règles paritaires. Nos travaux sont en cours et nous rendrons notre avis en septembre 2018.

L'égalité d'accès entre les femmes et les hommes est, il faut le rappeler, un principe constitutionnel. Il faut accélérer le partage du pouvoir. Nous plaidons pour faire progresser la part des femmes dans la sphère citoyenne et harmoniser les dispositifs paritaires, afin que les règles soient communes et lisibles.

Première piste : l'élection d'un binôme paritaire à la tête de toutes les collectivités locales. Placer davantage de femmes en numéro deux est un levier à terme, car le premier adjoint succède souvent au maire. Nous proposons en conséquence que l'exécutif local soit élu au scrutin de liste.

Autre recommandation : la limitation du cumul des mandats dans le temps à trois mandats d'un même type. Je sais que le sujet est sensible, mais la forte homogénéité du profil des élus n'est pas représentative de la diversité de la société.

Partant, il faut un statut de l'élu rénové qui permette de rentrer dans la vie politique, de consacrer un temps à l'engagement citoyen. Un mandat, c'est une étape dans une vie, et non une carrière. Il faut pouvoir rebondir, ce qui implique une valorisation des acquis de l'expérience, un droit à la formation pour acquérir de nouvelles compétences, y compris non liées à l'exercice du mandat.

Enfin, la loi doit tenir compte des charges afférentes à la réalité vécue par les femmes : faire garder ses enfants ou un parent âgé pour se consacrer à son mandat a un coût. Il faut inscrire une prise en charge dans la loi car, humainement, il n'est pas facile pour les élues d'obtenir des aménagements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion