Monsieur le ministre d'État, je souhaite vous interroger sur la philosophie de ce texte. Je connais de longue date vos qualités intellectuelles et j'ai bien entendu votre syllogisme : vous avez dit qu'il y avait trois façons de voir les choses : ceux qui pensent qu'il faut accueillir tout le monde, ceux qui pensent qu'il ne faut accueillir personne, positions l'une et l'autre indéfendables. Il ne resterait donc qu'un seul choix ; celui que vous présentez. C'est un peu facile. Une fois qu'on a éliminé les deux premières positions, il en reste bien d'autres !
Vous voulez diminuer le nombre de personnes accueillies en France mais, dans le monde à venir, il y aura toujours plus de migrations en raison de la misère, des changements climatiques et des atteintes aux droits de l'Homme. Souvenez-vous de l'ancien député Gérard Fuchs qui, en 1987, a publié un livre intitulé « Ils resteront : le défi de l'immigration ». Je regrette l'absence de vision positive face au phénomène migratoire.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a dit qu'il ne voyait pas dans le texte « le reflet d'une stratégie publique fondée sur l'exacte mesure des défis à relever et sur des choix structurants orientant les services publics vers un exercice plus efficace de leur mission ». Il s'est aussi interrogé sur l'absence d'évaluation concernant les effets de la loi du 7 mars 2016 et de la loi du 29 juillet 2015. Sans doute estime-t-il inutile de légiférer une nouvelle fois. Les chiffres que vous avez donnés parlent d'eux-mêmes : seules 13,5 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont exécutées. Les personnels des préfectures connaissent le fruit de leur travail. Et seulement 4 % des déboutés du droit d'asile repartent. Je ne crois pas que les mesures que vous nous présentez changeront radicalement les choses.
Un discours équilibré est nécessaire : nous devons prendre en compte la réalité des phénomènes migratoires.
Vous n'avez pas prononcé une fois le mot « Europe ». Or, je suis persuadé qu'il n'y a de solution qu'européenne. Nous devrons augmenter considérablement les moyens de l'agence FRONTEX si nous voulons maîtriser les filières clandestines. Une politique européenne équilibrée est plus que jamais nécessaire.