Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Autorisation d'analyses génétiques sur personnes décédées — Vote sur l'ensemble

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a adopté le 30 mai dernier, à l’unanimité, la proposition de loi de notre collègue Alain Milon qui autorise les examens génétiques post mortem dans l’intérêt thérapeutique des proches des personnes décédées.

L’évolution proposée s’inscrit dans le prolongement de la consécration, en 2004, d’une obligation d’information de la parentèle en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave susceptible de mesures de prévention ou de soins.

Le texte ne modifie pas le point d’équilibre alors défini par le législateur entre le secret souhaité par le patient, d’une part, et le devoir moral de solidarité familiale, d’autre part. Il tire les conséquences du caractère définitif des résultats des examens génétiques, qui ont ceci de particulier qu’ils peuvent avoir des conséquences non seulement pour la personne testée, mais aussi pour la famille. Son objectif est d’éviter les situations de perte de chance.

La commission des affaires sociales est convaincue de l’avancée majeure que permettrait l’adoption de cette proposition de loi. Elle a néanmoins jugé indispensable de prévoir un dispositif rigoureusement encadré, fondé sur le respect de deux principes fondamentaux : la protection de la volonté et de la dignité de la personne décédée et la garantie d’une prise en charge de qualité pour les familles.

Pour atteindre cet objectif, elle a apporté deux séries de précisions.

S’agissant tout d’abord des conditions dans lesquelles un examen génétique peut être réalisé sur une personne décédée dans l’intérêt médical d’un tiers, elle a défini quatre conditions cumulatives.

En premier lieu, la personne décédée ne doit pas avoir, de son vivant, exprimé son opposition à cet examen. Par parallélisme des formes, nous retenons ici le même régime de consentement présumé que celui qui est prévu par la loi pour le don d’organes.

En second lieu, l’examen est réalisé à des fins médicales dans l’intérêt des ascendants, descendants et collatéraux de la personne décédée. La finalité de l’examen doit, en toute circonstance, demeurer l’intérêt médical des personnes partageant un lien de sang avec la personne décédée.

En troisième lieu, l’examen est réalisé à la demande d’un membre de la famille potentiellement concerné par l’identification d’une anomalie génétique chez la personne décédée.

En dernier lieu, il est prescrit par un médecin qualifié en génétique ou membre d’une équipe pluridisciplinaire comprenant un médecin qualifié en génétique.

En tout état de cause, il reviendra au médecin prescripteur d’apprécier si les conditions sont réunies, en particulier celle relative à l’intérêt de la parentèle.

En ce qui concerne les circonstances médicales dans lesquelles l’examen peut être effectué, comme l’a indiqué l’Agence de la biomédecine, deux situations doivent être distinguées.

L’examen doit être possible à partir d’éléments du corps prélevés préalablement au décès de la personne. Cette situation se présentera le plus souvent en oncologie.

Il convient en outre d’autoriser l’examen post mortem dans le cadre d’une autopsie médicale : je pense ici notamment aux cas de mort subite chez des sujets jeunes, qui peuvent résulter d’une pathologie cardiaque susceptible de concerner également la fratrie. Le cas échéant, la famille de la personne décédée, en particulier ses frères et sœurs, pourrait être orientée vers un conseil génétique.

La proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales est fortement attendue par les professionnels de santé, tous soucieux d’améliorer les prises en charge. L’Agence de la biomédecine y voit une évolution fondamentale de notre droit.

À mon sens, ce texte est en effet l’une des contributions que nous pouvons apporter au renforcement de la politique de prévention dans notre pays. Je sais, madame la ministre, que l’investissement dans la prévention, qui demeure le parent pauvre de notre système de santé, est l’une de vos priorités.

Le dispositif proposé est également attendu par les professionnels, parce qu’il apporte une clarification bienvenue. Il semble en effet que les pratiques médicales se caractérisent par une certaine hétérogénéité, ce qui est source à la fois d’inégalités et de pertes de chance.

Enfin, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parmi les nombreuses questions soulevées en génétique dans la prochaine révision des lois de bioéthique, cette proposition de loi concerne un sujet bien circonscrit. Comme je l’ai dit, il s’agit d’un dispositif consensuel et fortement attendu. Les conditions sont donc réunies pour avancer sans attendre. Il serait dommageable que de simples considérations de forme ou de calendrier nous fassent courir le risque de retarder des prises en charge qui pourraient s’avérer nécessaires.

J’invite donc le Sénat à adopter le texte résultant des travaux de notre commission.

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