Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Autorisation d'analyses génétiques sur personnes décédées — Vote sur l'ensemble

Agnès Buzyn :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les évolutions et la mise au jour de techniques nouvelles dans le domaine de la génétique soulèvent des questions inédites qui interpellent à juste titre le législateur.

Nos débats ont une résonance particulière, alors que le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, m’a remis hier le rapport de synthèse des états généraux de la bioéthique. Leurs travaux, qui ont débuté au mois de janvier, ont associé des citoyens, des associations, des sociétés savantes de professionnels de santé, des scientifiques et différents courants de pensée afin de recueillir un large panorama d’opinions de la société et, surtout, de répondre à la question : « Quel monde voulons-nous pour demain ? »

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend, pour sa part, à répondre à un problème très précis, puisqu’il s’agit d’autoriser la réalisation d’examens de génétique après le décès d’une personne – ce que les lois de bioéthique, et en particulier les dispositions qui encadrent le consentement à la réalisation d’un examen de génétique, ne permettent pas aujourd’hui. Je comprends bien votre démarche, dictée par le souci de prévenir d’éventuels risques et d’accompagner l’évolution technique.

Les progrès de la génétique – et nous pouvons nous en réjouir – permettent, en effet, de plus en plus d’analyser les caractères héréditaires prédisposant à la survenue de certaines pathologies, notamment des cancers.

Toutefois, comme j’ai eu l’occasion de l’exprimer en commission, je regrette que le débat sur ces sujets de bioéthique débute au Sénat sur cette question précise, alors même que plusieurs rapports sont encore attendus.

Je pense, en premier lieu, à l’avis du Comité consultatif national d’éthique, qui sera rendu à la fin de l’été, mais également au rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, et au rapport du Conseil d’État.

Je reste certaine que le vecteur le plus approprié pour la réforme que vous envisagez est la loi de bioéthique, dont les travaux parlementaires devraient commencer d’ici quelques mois.

À échéances définies, il est ainsi prévu que les lois de bioéthique soient revues afin d’assurer la meilleure adaptation entre l’éthique et le progrès technique.

À ce titre, ce sont ces lois qui garantissent la prise en compte de l’ensemble des implications des questions très sensibles et très complexes que vous soulevez.

Vous abordez par exemple, à l’article 2 de la proposition de loi, les modalités de conservation des échantillons après le décès d’une personne et vous confiez à l’Agence de la biomédecine l’édiction de règles de bonnes pratiques. Or nous travaillons, en parallèle, dans le cadre de la révision des lois de bioéthique sur cette question précise de la durée de conservation des échantillons biologiques.

Le sujet n’est pas simplement technique : il touche au consentement en génétique et à l’information des membres de la famille en cas d’anomalie génétique, qui sont au cœur même de l’édifice bioéthique. Une modification de ce cadre comme de celui de l’information de la parentèle ne peut être traitée de façon isolée, c’est-à-dire sans prendre en compte l’ensemble des problématiques dans le domaine de la génétique, a fortiori dans le contexte de la médecine génomique, prédictive en l’occurrence.

Je suis a priori favorable au principe d’ouvrir la possibilité, de façon encadrée, de réaliser des examens de génétique, alors que la personne est décédée, mais il me semble qu’il convient d’en débattre dans le cadre prévu à cette fin, à savoir la révision de la loi de bioéthique, en ayant une vision de l’ensemble des enjeux et impacts.

Le débat est de toute façon ouvert et je suis sûre que vos réflexions pourront nourrir le projet de loi dès qu’il sera déposé au Parlement.

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