Intervention de Benjamin Griveaux

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en algérie après les accords d'évian — Vote sur l'ensemble

Benjamin Griveaux :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, permettez-moi d’excuser Geneviève Darrieussecq, qui, en ce 6 juin, se trouve en Normandie pour les cérémonies de commémoration du débarquement, et qui regrette de ne pouvoir être présente dans cet hémicycle.

C’est, pour moi, un honneur d’être au Sénat pour débattre de la situation de nos anciens combattants, tout particulièrement aujourd’hui. Ce débat montre l’intérêt que toute la représentation nationale et la classe politique en général portent à ceux qui ont eu l’honneur de servir la France.

Nous sommes réunis pour étudier une proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie sur la base des accords d’Évian.

Comme vous le savez, c’est là une disposition que le Gouvernement soutient sur le fond : ma collègue Geneviève Darrieussecq vous a indiqué que cette mesure serait présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Lors de la campagne présidentielle, le chef de l’État s’était engagé à réparer l’injustice que subissent les militaires français présents en Algérie après la fin de la guerre. Plusieurs dizaines de milliers de jeunes Français de cette époque furent en effet déployés sur ce territoire entre les mois de juillet 1962 et de juillet 1964, à la suite des accords d’Évian. Malheureusement – nous dressons avec vous ce constat –, ils n’ont jamais pu bénéficier de la carte du combattant et des avantages qui s’y attachent.

J’en viens, plus précisément, à la situation actuelle.

Depuis 2001, les militaires présents sur le sol algérien après le 2 juillet 1962 ont droit au titre de reconnaissance de la Nation. Toutefois, ils n’ont pas droit à la carte du combattant.

Dans le cadre de la loi de finances du 29 décembre 2013, pour 2014, les conditions d’attribution de la carte du combattant ont été étendues aux personnes présentes en Afrique du Nord au-delà de la date du 2 juillet 1962, à condition que leur séjour ait commencé avant cette date et qu’il n’y ait eu aucune interruption de service. Monsieur le rapporteur, il s’agit là de la carte du combattant dite « à cheval », que vous évoquiez il y a quelques instants.

Le Gouvernement a souhaité aller plus loin et mettre un terme à cette injustice, en permettant enfin d’attribuer la carte du combattant et, ainsi, d’étendre ses bénéfices aux personnes présentes en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964.

Cette décision fait suite à un travail d’échanges et de concertation intense.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, par la voix de Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, Geneviève Darrieussecq, le Gouvernement s’est engagé à étudier l’ensemble des demandes du monde combattant.

Dans ce cadre, lors de ses déplacements dans toute la France, Mme Darrieussecq a eu l’occasion de rencontrer près de trente délégations départementales pour discuter de leurs attentes.

Par ailleurs, sous sa présidence, le ministère des armées a constitué trois groupes de travail, qui ont mené près de vingt réunions avec les représentants des associations d’anciens combattants et ont permis d’étudier vingt-huit sujets différents.

Ces trois groupes de travail ont porté sur trois thématiques différentes : premièrement, les droits à réparation et les pensions militaires d’invalidité ; deuxièmement, la quatrième génération du feu ; troisièmement, les blessés et invalides.

Ce travail inédit a permis d’évaluer précisément l’opportunité, la faisabilité juridique et technique ainsi que les coûts de ces différentes demandes.

Ma collègue a présenté les résultats de ce travail aux représentants des anciens combattants le 25 mai dernier. Il est apparu rapidement que, pour les associations, la mesure prioritaire était l’attribution de la carte du combattant aux anciens appelés d’Algérie en poste du 1er juillet 1962 au 1er juillet 1964.

Dans le respect de cette méthode et de ce calendrier, Florence Parly et Geneviève Darrieussecq ont proposé au Premier ministre d’inscrire cette mesure dans le prochain projet de loi de finances.

Pour aboutir à cette décision, le ministère des armées a mené une étude approfondie des effectifs présents en Algérie à cette époque. Un travail statistique poussé, accompli sur la base des données dont dispose le service historique de la défense, le SHD, a donc été consacré aux dispositifs français présents en Algérie à cette époque : les plans « Chartres » successifs, la concession de la base de Mers el-Kébir et celle des bases d’essais situées au Sahara.

On a veillé, dans le cadre de cette étude, à ne pas prendre en compte le public déjà éligible à la carte du combattant dans le cadre du dispositif dit « à cheval » ; à ne pas comptabiliser deux fois les effectifs d’un dispositif affecté pour un emploi dans un autre dispositif ; et à se concentrer sur les effectifs d’appelés, qui, à la différence des engagés, ne sont pas susceptibles de déjà détenir la carte du combattant au titre d’un autre conflit.

Ces travaux ont permis d’aboutir à l’estimation d’un effectif cumulé de 75 319 appelés ayant été déployés en Algérie entre le mois de juillet 1962 et celui de juillet 1964.

À partir des données statistiques d’évolution démographique, il y aurait, en 2019, un total de 49 819 bénéficiaires potentiels d’une carte du combattant d’Algérie 1962-1964.

Compte tenu de leur âge, ces bénéficiaires sont en droit de percevoir la retraite du combattant. Les modalités de versement de cette prestation conduisent à évaluer le coût budgétaire prévisionnel à 37 millions d’euros environ, si l’on prend en compte tous les demandeurs potentiels, ou à 30 millions d’euros en moyenne en année pleine. S’y ajoute de façon indirecte le coût fiscal associé, qui est, lui aussi, estimé à 30 millions d’euros annuels par les services du ministère de l’action et des comptes publics.

L’extension envisagée pour la période 1962-1964 sera menée à législation constante, sur le fondement de l’article L. 311-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

En effet, cet article permet l’attribution de la carte du combattant au titre de « la participation à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France ».

Ainsi, l’extension de l’attribution de la carte est possible, puisque les accords d’Évian du 18 mars 1962, en vertu desquels les militaires français ont servi en Algérie après 1962, peuvent être regardés comme relevant des engagements internationaux de la France.

L’article L. 311-2 renvoie à un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget pour la détermination des périodes à prendre en compte pour chacune des opérations ou chacune des missions concernées. Ainsi, cette extension sera rendue possible en modifiant ledit arrêté, qui date du 12 janvier 1994, sans qu’il soit opportun de passer par une loi qui, au total, pourrait compliquer l’application de la mesure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, au regard des éléments que je viens de vous exposer brièvement, vous admettrez que cette proposition de loi ne présente plus de nécessité en l’état : M. le Premier ministre a décidé de prendre cette mesure, elle sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2019, puis mise en œuvre par voie réglementaire.

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