Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours du siècle dernier, la France a dû panser les plaies des grands conflits qui l’ont successivement minée. Aujourd’hui encore, à côté du devoir de mémoire, nous poursuivons le travail de réparation à l’égard de toutes celles et de tous ceux que l’histoire a emportés dans ses tourments.
La carte du combattant, par les droits qui lui sont attachés, constitue le principal vecteur de la reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants. Pensée en 1926 pour la première génération du feu de la Grande Guerre, elle a été progressivement étendue jusqu’à concerner une deuxième, puis une troisième et enfin une quatrième génération du feu de soldats engagés dans les opérations extérieures.
Nous sommes tous très attachés à la mise en œuvre constante par l’État de la reconnaissance des sacrifices endurés par les militaires de carrière, par les appelés et par les supplétifs. Pour autant, nous n’ignorons rien des quelques imperfections de ce régime de reconnaissance, en particulier de l’iniquité qui perdure parfois au sein de certains de ses dispositifs. Il revient au législateur de les corriger.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la spécificité des conflits issus des indépendances a rendu plus tardive la reconnaissance du droit à réparation pour les anciens combattants d’Afrique du Nord. Il aura en effet fallu attendre 1974, soit douze ans après les accords d’Évian, pour que les militaires et les appelés accèdent clairement au statut d’ancien combattant et bénéficient enfin de la carte du combattant. Comment pouvait-il en être autrement ? Malgré les combats, malgré les souffrances, malgré les sacrifices, il n’a été question pendant longtemps que « d’opérations effectuées en Afrique du Nord ». Ce déni a été effacé par la loi du 18 octobre 1999, qui a reconnu la qualification de guerre d’Algérie.
Nous le devions aux 1 700 000 soldats mobilisés à l’époque.
Depuis lors, les conditions sont théoriquement réunies pour que le droit à réparation s’exerce pleinement, avec justice.
La proposition de loi soumise à notre examen est fidèle à cet esprit : il s’agit de mieux réparer.
Comme l’ont souligné les auteurs du texte, en limitant l’attribution de la qualité de combattant aux soldats présents entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, pour les trois conflits d’Afrique du Nord, la loi de 1974 n’a pas tenu compte de la réalité du terrain, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Pourtant, après le 1er juillet 1962, près de 75 000 militaires ont encore été déployés pendant deux ans de l’autre côté de la Méditerranée, afin de consolider les accords d’Évian. Malheureusement, 535 soldats français ont été tués sur un territoire, où, malgré le cessez-le-feu, les horreurs ont continué. Je pense notamment au terrible massacre d’Oran, le 5 juillet, et je refuse d’oublier le sort tragique des harkis.
Face à tout cela, le groupe du RDSE considère comme un devoir l’attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.
L’adoption de la proposition de loi rétablirait une égalité de traitement entre les différentes générations du feu, mais aussi entre les frères d’armes, car la carte dite « à cheval », bien que légitime et attendue, avait introduit une nouvelle injustice.
De plus, un vote favorable concrétiserait un engagement de campagne du Président de la République.
Devant la commission des affaires sociales du Sénat, Mme la secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq avait confirmé la décision du Gouvernement d’accéder à cette revendication du monde combattant. Elle avait également indiqué que la loi de finances pour 2019 prévoirait les financements nécessaires : 37, 5 millions d’euros au titre de la retraite du combattant et 30 millions d’euros au titre de la demi-part fiscale dont bénéficient les anciens combattants. Je m’en félicite.
Mes chers collègues, pendant longtemps, les parlementaires ont connu des débats passionnés, s’agissant de la guerre d’Algérie. Il faut dire que ce conflit n’opposait pas seulement deux peuples – les Français aux Algériens –, mais aussi les Algériens aux Algériens et les Français aux Français. Certains d’entre nous ont vécu au plus près cette période tragique. Aujourd’hui, le temps et le travail de mémoire ont fait œuvre d’apaisement. C’est donc dans la sérénité que nous pouvons approuver l’initiative de nos collègues.