Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Préservation d'une politique agricole commune forte — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture, mes chers collègues, depuis dix-huit mois, la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes ont mené un important travail de fond sur la PAC, la politique agricole commune, en amont de la nouvelle réforme. Dès juillet 2017, avec Daniel Gremillet, Claude Haut et Franck Montaugé, nous avons ainsi publié un rapport d’information intitulé PAC : traverser le cap dangereux de 2020, complété par une première proposition, devenue résolution européenne du Sénat, le 8 septembre 2017.

Au regard des éléments préparatoires publiés par les instances européennes et des positions prises par les autorités françaises, il nous a semblé indispensable de revenir sur le sujet. En effet, l’architecture de la réforme en gestation est manifestement éloignée de nos recommandations. Compte tenu de l’importance capitale de la PAC, le Sénat ne pouvait naturellement pas en rester là.

La seconde proposition de résolution européenne, qui a été adoptée à l’unanimité le 19 avril dernier par notre commission des affaires économiques et notre commission des affaires européennes, confirme et prolonge nos réflexions antérieures. Nous voulons une PAC forte, rénovée et répondant aux attentes des agriculteurs.

Je ne peux manquer de m’émouvoir de l’ampleur de la baisse annoncée pour les moyens budgétaires de la PAC. La Commission européenne « communique » sur une diminution de 5 % en euros constants. En prenant en compte l’inflation, la diminution réelle atteindrait 15 %. S’y ajouterait aussi l’impact, mécaniquement défavorable à la France, de la poursuite du processus de convergence des paiements directs à l’intérieur de l’Union européenne au bénéfice des nouveaux membres.

Je me suis aussi inquiétée à la lecture des propositions pour la future PAC 2021-2027 publiées le 1er juin par la Commission européenne. Ces dernières reposent sur quatre grandes orientations.

La première concerne le nouveau mode de mise en œuvre imaginé pour la PAC. Concrètement, l’approche uniforme serait remplacée par davantage de subsidiarité : des plans stratégiques seraient élaborés par les États membres, puis validés par la Commission. Ce modus operandi est supposé simplifier le cœur de la politique agricole commune en retenant une approche par les résultats plutôt que par les moyens. Il présente néanmoins un double risque de « renationalisation » et de distorsion de concurrence.

La deuxième orientation de la nouvelle PAC vise à établir des conditions plus équitables grâce à un meilleur ciblage des aides. En résumé, les paiements directs aux agriculteurs seraient réduits jusqu’à 60 000 euros et plafonnés à 100 000 euros par exploitation en déduisant les coûts de main-d’œuvre.

La troisième orientation tend à encourager l’innovation et la recherche. Ainsi, 10 milliards d’euros issus du programme Horizon y seraient affectés.

La dernière orientation défendue par la Commission a pour objet de relever les ambitions environnementales et climatiques de la PAC. Les paiements directs seraient ainsi subordonnés à des exigences accrues : au-delà du « verdissement » actuel considéré comme acquis, il y aurait à l’avenir treize exigences réglementaires – à commencer par les directives Nitrates, Bien-être animal, Habitat, Oiseaux – auxquelles s’ajouteraient douze conditions agroenvironnementales définies au niveau européen, dont cinq nouvelles.

Les États membres ou les régions auraient ensuite à préciser aux agriculteurs les règles à suivre pour mettre en œuvre ces grands principes.

Enfin, chaque État membre devrait disposer de programmes écologiques, que la Commission européenne a baptisés, en langue anglaise, Eco Schemes, incitant les agriculteurs à aller au-delà des exigences obligatoires.

En définitive, la dernière des quatre orientations annoncées le 1er juin représente à l’évidence une innovation importante dont il faudra prendre le temps de mesurer l’impact. En première analyse, la question posée est celle de la nature même de la PAC : s’agira-t-il toujours à l’avenir d’un budget de soutien à une activité économique ou bien cette politique deviendra-t-elle un budget d’accompagnement de la réglementation environnementale ?

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