Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que le Sénat examine aujourd’hui cette proposition de résolution européenne, qui tombe à point nommé.
En nous saisissant à nouveau de ce dossier complexe, nous honorons non seulement la Haute Assemblée, mais surtout, et avant tout, le travail inlassable de nos agriculteurs. Or il est impératif de continuer à les défendre pour plusieurs raisons : ils sont affaiblis par des crises successives et les aléas climatiques ; ils se trouvent aux prises avec la volatilité des marchés mondiaux ; l’agriculture est à la base de notre culture et de notre civilisation ; sans les agriculteurs, notre sécurité alimentaire ne serait plus qu’un leurre. Aujourd’hui, notre vigilance sur les difficultés qu’ils rencontrent est essentielle, elle demeurera constante et indéfectible.
Je souhaite aussi remercier mes collègues du groupe de suivi de la PAC pour le travail constructif et transpartisan que nous menons ensemble depuis plusieurs années déjà, en particulier lors de ces derniers mois où les auditions ont été d’une grande richesse.
Le projet de budget de la PAC proposé par la Commission européenne est désormais connu et, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, il est inacceptable, car il conduirait à des baisses drastiques et insoutenables de revenu pour nos agriculteurs. Les défis actuels auxquels fait face l’agriculture européenne sont si nombreux qu’il serait incompréhensible qu’une telle réduction budgétaire soit entérinée.
Comment, avec une telle baisse du budget, ne pas craindre pour la viabilité de nos exploitations ? Comment accompagner la transition de notre agriculture vers des systèmes plus durables et résilients ? Comment réparer les conséquences encore visibles des crises passées ?
Monsieur le ministre, nous connaissons votre combat aux côtés de plusieurs de vos homologues européens – vous les avez cités – pour défendre un budget stable et à la hauteur de nos ambitions. Nous ne pouvons que vous soutenir dans cette entreprise, et nous vous demandons bien évidemment de continuer en ce sens afin de convaincre d’autres de vos collègues.
Rappelons que la PAC est la politique la plus intégrée de la construction européenne. Bien que perfectible, elle est l’une des réussites de ce projet européen, mais elle est aussi la pierre angulaire de notre sécurité et de notre souveraineté alimentaires, nationales comme européennes. En effet, dans les négociations commerciales qu’elle mène au nom de ses pays membres, l’Union européenne a fait de la défense de standards élevés de qualité, sanitaires et environnementaux, tout comme de la promotion de ses indicateurs géographiques, un point offensif. Nous approuvons évidemment cette démarche.
Ces normes élevées sont une force et font de l’Union européenne l’une des principales puissances agricoles du monde. Or la PAC contribue pleinement à rendre ces standards possibles. De même, elle sera demain l’une de nos réponses aux défis climatiques, qui nous frappent déjà de plein fouet. Soyons donc cohérents et ne défendons pas d’un côté des normes que nous affaiblissons nous-mêmes de l’autre !
Nous en convenons : la PAC doit être modernisée. Elle souffre d’imperfections et de complexités, qui l’empêchent d’être pleinement efficace. Toutefois, nous refusons que cet effort de simplification se fasse au détriment de l’essence même de ce qui la caractérise : incarner une politique commune qui protège les agriculteurs comme les consommateurs. Il n’est pas question de sacrifier ce trait de caractère de la PAC, et je dirais même ce trait de valeur, qui a été si ardemment défendu.
Les objectifs poursuivis par ce projet de réforme de la Commission européenne sont louables sur le papier. On ne peut qu’y souscrire. Je pense par exemple à la simplification visant à atteindre une meilleure efficacité, à l’établissement d’une allocation plus juste des aides directes, aux ambitions plus élevées en matière d’environnement et d’action pour le climat ou à l’attention portée aux jeunes dans un contexte où seuls 6 % des agriculteurs européens ont moins de trente-cinq ans.
Cependant, des interrogations subsistent. Parce que le temps me manquera, je ne partagerai avec vous qu’une seule de mes réflexions ; elle concerne les plans stratégiques nationaux agricoles.
L’expérience passée des plans de développement régional du second pilier nous a laissés bien perplexes… Avec cette proposition de plans nationaux, nombreux sont les experts qui s’inquiètent des risques élevés de distorsion de concurrence et de divergences entre les agricultures nationales.
Cette crainte est légitime, dès lors que les conditions d’attribution des aides ne seront plus identiques pour l’ensemble des États de l’Union européenne et qu’elles seront seulement guidées par des principes généraux. Certains États pourraient être tentés d’utiliser le principe de subsidiarité pour gagner en compétitivité, en ayant recours au moins-disant réglementaire. Inversement, d’autres pays, dont le nôtre, pourraient vouloir aller au-delà des normes minimales européennes.
Même si le commissaire Phil Hogan tente de nous rassurer et nous promet que la Commission européenne veillera à éviter de telles distorsions, ces scénarios ne sont pas fantaisistes, puisqu’ils se réalisent sur d’autres sujets.
Vous l’avez compris, malgré ces réserves, le groupe La République En Marche votera cette proposition de résolution européenne en faveur de la préservation d’une PAC forte.