Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier personnellement M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny et MM. Claude Haut et Franck Montaugé, auteurs de cette proposition de résolution européenne « en faveur d’une Politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires ».
À la veille des débats sur le projet de loi portant sur l’agriculture et l’alimentation, cette proposition de résolution européenne tient lieu de signal d’alarme.
Dans ses propositions relatives au cadre financier pluriannuel 2021-2027, la Commission européenne propose une réduction de 5 % du budget de la politique agricole commune en euros courants. Les aides directes aux agriculteurs, qui représentent pourtant une part non négligeable des revenus de ceux-ci, accuseraient une baisse de 4 % en euros constants, soit 80 % de la baisse annoncée du budget total.
En opérant une coupe budgétaire drastique, cette proposition de la Commission européenne revient à faire de la politique agricole commune une variable d’ajustement du budget européen et à considérer l’agriculture comme une simple valeur ajoutée à l’architecture européenne, alors qu’elle en est le ciment.
En réaction à cette offensive, la présente proposition de résolution européenne vise à garantir des ressources budgétaires stables et suffisantes pour soutenir les producteurs et encourager l’évolution de notre modèle agricole. Nous attendons notamment une évolution du droit de la concurrence. Il est urgent que le droit européen s’adapte aux spécificités du monde agricole. À cet égard, j’ai présenté en commission des affaires économiques un amendement visant à formaliser une demande de reconnaissance des circuits de proximité. Dans le droit européen, en effet, les règles des marchés publics sont contraignantes et ne permettent pas de privilégier l’approvisionnement dit de proximité en produits locaux, par exemple pour alimenter la restauration scolaire. La libre concurrence ne doit pas se faire au détriment de nos territoires ! Nous devons ouvrir notre commerce à l’extérieur, sans perdre le lien local.
Cet amendement, cosigné par plus de quarante de nos collègues, exprime d’abord une volonté qui émane de nos élus locaux. Ainsi, dans le Nord, des maires mènent une résistance exemplaire pour permettre aux enfants de leur commune de manger sainement, avec des produits frais issus des exploitations voisines. La demande est forte en matière de circuits de proximité.
Pour autant, je ne saurais recommander à l’agriculture française de se replier sur elle-même. Je plaide pour un développement agricole équilibré : si des secteurs tels que les produits maraîchers et la viande se prêtent aux circuits courts, il en va autrement pour les secteurs d’exportation que sont les céréales, le vin, l’huile de colza ou encore la pomme de terre. N’oublions pas les circuits longs ! Une bouteille sur dix de vin français est consommée en Chine et 90 % des productions de cognac sont exportées…
Or la volonté de réduire le budget de la politique agricole commune entre en contradiction avec les choix géostratégiques opérés par les autres grandes puissances agricoles mondiales, à commencer par la Chine, les États-Unis et la Russie.
« L’agriculture est la locomotive de l’économie russe », a dit Vladimir Poutine. Ne laissons surtout pas à la Russie le monopole de la diplomatie agricole ! La France est douée pour négocier des Airbus, des Rafale, mais quelle est sa stratégie en matière d’exportations agricoles ?
N’oublions pas que la stabilité politique de nombreux pays, au premier rang desquels l’Algérie et l’Égypte, dépend de leurs importations de céréales françaises. Mes chers collègues, un hectare de blé sur dix produits en France contribue à nourrir des pays d’Afrique du Nord, dont, en 2050, les besoins en céréales auront décuplé sous les effets du changement climatique, de la croissance démographique et des flux migratoires.
Diminuer les aides de la politique agricole commune, c’est oublier que la surproduction nationale bénéficie à des millions de personnes vivant hors de nos frontières ; c’est oublier aussi que ces exportations participent à la balance commerciale de la France.
L’Europe est avant tout une puissance agricole : ne sacrifions pas le budget de la politique agricole commune sur l’autel des nouvelles priorités européennes !