Intervention de Henri Cabanel

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Préservation d'une politique agricole commune forte — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

Photo de Henri CabanelHenri Cabanel :

… un paiement redistributif obligatoire accordant une aide plus élevée sur les premiers hectares, un plafonnement obligatoire tenant compte de la capacité des exploitations à garder de l’emploi, un paiement à de véritables agriculteurs actifs et des paiements assis sur une forte conditionnalité.

En juin dernier, je formulais ainsi la problématique : alors que nous nous trouverons en 2017 à mi-parcours, nous devons nous questionner sur ce que la PAC peut encore apporter à l’agriculture française. Comment doit-elle se redéfinir afin de continuer à remplir ses objectifs : assurer un niveau de vie équitable à nos agriculteurs, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables aux consommateurs ? Un an plus tard, les mêmes questions restent posées…

Il n’y a plus de temps à perdre, car, parallèlement à cette annonce de réduction de la PAC, les crises se succèdent, sanitaires, climatiques et économiques, emportant avec elles de nombreux agriculteurs et limitant l’envie des plus jeunes de s’installer.

Alors, que faire ?

Premièrement, une réorientation en profondeur s’impose. Si la Commission européenne a avancé la grande idée d’un new delivery model, c’est-à-dire d’un transfert de la gestion de toutes les aides de la PAC aux États membres, cette renationalisation me semble contraire à l’idée même de l’Europe, fondée sur la solidarité et l’interdépendance, avec des objectifs communs pour une agriculture européenne forte.

De fait, aujourd’hui, nous nous sommes éloignés de cette philosophie de départ : les États membres sont mis en compétition et les règles ne sont plus les mêmes, ce qui crée une concurrence ressentie comme déloyale par nos agriculteurs français, puisque, au sein même de l’Union européenne, les agriculteurs des différents États ne sont pas soumis aux mêmes charges sociales ni aux mêmes obligations sanitaires. Les nouvelles orientations vont aggraver cet état de fait.

Le rapport Dorfmann sur le futur de l’agriculture et de l’alimentation, réalisé dans le cadre de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen, souligne la nécessité de revenir à la genèse : les pays membres doivent suivre un cadre commun de règles européennes très solides, comprenant objectifs, règles de base, instrument d’intervention, indicateurs de contrôle et contributions financières, ce qui éviterait toute distorsion de concurrence.

Le même rapport salue l’idée d’une nouvelle approche de résultat, si celle-ci doit simplifier la PAC et la rendre moins bureaucratique. Il insiste cependant sur la nécessité de disposer de critères uniformes pour les sanctions en cas de non-conformité. Il invite aussi la Commission européenne à réaliser des contrôles financiers et de performance et des audits pour s’assurer que le nouveau modèle s’appliquera selon des règles et critères identiques dans tous les États membres.

Enfin, dernière mise en garde : ce nouveau modèle de gestion des aides devra respecter l’organisation des pouvoirs de chaque État membre, souvent définie par une constitution.

À cet instant, je voudrais souligner l’efficacité et la performance de l’organisation commune du marché vitivinicole, qui a permis d’avoir une viticulture moderne, de restructurer notre vignoble pour correspondre à une demande de qualité et de responsabiliser la filière sur ses choix stratégiques, qui ont montré, depuis sa création, leur efficience.

Enfin, il n’est pas concevable, dans un contexte où les autres pays augmentent leur budget agricole, à commencer par les États-Unis, la Chine, l’Inde et le Brésil, que l’Europe sacrifie son agriculture. Il faut donc trouver des ressources. Une participation jusqu’à 1, 3 % du PIB par pays membre, soit une augmentation de 0, 2 point de PIB, permettrait tout simplement de maintenir le budget de la PAC en ayant les moyens d’assumer d’autres politiques.

Dans le cadre du groupe de suivi de la PAC, nous avons reçu au Sénat les attachés des ambassades de plusieurs pays membres : l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie et la Slovénie. Tous les représentants de ces pays étaient favorables à cette orientation. La question qui se pose est : quel niveau de participation est-il réellement envisageable par pays membre ?

Cette nouvelle PAC est primordiale, au-delà même de l’agriculture : le rapport Dorfmann met bien en exergue l’importance du développement rural pour le développement des territoires, la durabilité et l’emploi. Il souligne tout l’intérêt de l’initiative LEADER et des démarches collectives pour valoriser l’ensemble des ressources locales en biens alimentaires, non alimentaires – bioéconomie, énergies renouvelables – et en services, ainsi que pour promouvoir l’économie circulaire. Il insiste aussi sur le maintien des compensations pour les exploitations situées en zone défavorisée. Il propose de créer un nouveau fonds pour les communautés locales de développement, à l’aide d’une réserve de 10 % de tous les fonds structurels.

Nous devons collectivement avoir le courage de fixer nos ambitions face aux nombreux défis et nous donner les moyens de réaliser ces ambitions, comme l’ont souligné nos rapporteurs.

Monsieur le ministre, sur 100 euros gagnés, un citoyen européen reverse en moyenne 50 euros en impôts et cotisations, dont seulement 1 euro sert à financer le budget de l’Union européenne… Ainsi, 49 euros restent dans les capitales des États membres. Les pistes existent donc.

Bien entendu, le groupe socialiste et républicain votera la proposition de résolution européenne. Si nous ne voulons pas que la PAC perde son « C » en cessant d’être commune, il faut que, tous, nous sachions nous écouter et œuvrer dans la même direction, au service de notre agriculture et de nos agriculteurs.

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