Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jacques est agriculteur en Loir-et-Cher. Il possède quelques dizaines d’hectares de terres. En complément, il fait du maraîchage et de l’élevage pour joindre les deux bouts.
Jacques gagne en moyenne 800 euros par mois en travaillant 12 à 15 heures par jour. Sans la PAC, il ne s’en sortirait pas : trop de charges pour trop peu de revenus.
La semaine dernière, Jacques m’a interpellé en me disant que les annonces de Bruxelles en vue de la renégociation de la PAC étaient pour lui une véritable catastrophe. Que lui répondre au moment où la Commission européenne avance une baisse drastique de la PAC d’environ 12 %, en tenant compte de l’inflation ? Inacceptable ! Tout simplement inacceptable – je reprends vos propres mots, monsieur le ministre !
« Inacceptable », en effet, si je parle au nom de Jacques et de tous nos agriculteurs et éleveurs français. Aujourd’hui, un nouveau modèle de mise en œuvre de la PAC, élaboré par la Commission européenne, plaide pour une plus grande liberté laissée aux États.
Ce nouveau modèle est en réalité synonyme de distorsion de concurrence et de risque pour le maintien de la qualité des produits. Officiellement, Bruxelles souhaite rendre la PAC plus flexible en laissant les États libres de gérer eux-mêmes une partie des fonds agricoles. Or cette flexibilité ressemble plutôt à un désengagement progressif qui aura des conséquences tout à fait dramatiques pour le revenu de nos agriculteurs, déjà en grande difficulté.
Que cherche la Commission à travers cette remise en cause de l’esprit et du budget de la PAC ? Tout simplement à se déresponsabiliser et à décentraliser son action. Ce n’est pourtant ni la philosophie de l’Union européenne ni le sens de l’histoire.
La PAC, seule compétence pilotée à 100 % par l’Union européenne, est une politique historique, et même constitutive, de l’Europe. La remettre en cause, c’est attenter à l’esprit communautaire imaginé par les pères fondateurs.
La PAC est une belle réussite européenne. Elle a permis à des milliers d’agriculteurs d’atténuer le choc de l’exode rural, de l’évolution des modes de consommation et de la mondialisation.
Cette PAC a su évoluer en ajoutant au premier pilier, principalement consacré aux aides agricoles, un second pilier dédié au développement rural.
En outre, les mesures aujourd’hui avancées par Bruxelles renforcent encore l’inflation administrative, puisque chaque pays, pour soutenir les demandes d’aides, devra présenter un plan stratégique sur la PAC validé par la Commission dans les huit mois, au regard de neuf critères.
C’est de cette Europe que ne veulent plus les Européens. C’est de cette Europe que se nourrissent les populismes.
Chaque jour, nos agriculteurs et éleveurs français se battent pour imposer un modèle basé sur la qualité, sur le respect des consommateurs et sur la défense d’un savoir-faire agricole. L’Europe leur a donné jusqu’à présent les moyens de tenir ces objectifs et de continuer de vivre dignement de leur travail.
Alors que nous attendions de la PAC 2021-2027 des solutions concrètes pour garantir une meilleure rémunération à nos agriculteurs, c’est le contraire qui se produit à travers le renoncement à une politique commune et la baisse très nette du budget de la PAC.
En face d’un objectif louable, à savoir une meilleure allocation des revenus agricoles, Bruxelles ne met aucun moyen ni solution adaptés. Les nouvelles priorités de la Commission européenne, à savoir la sécurité, l’immigration et l’environnement ne doivent pas être menées au détriment de l’agriculture. Il y va de la survie de centaines de milliers d’agriculteurs. Il y va de notre modèle agricole. Il y va de la qualité de nos productions. Il y va, enfin, de l’esprit européen.
Soyez certain, monsieur le ministre, que nous soutiendrons toute action gouvernementale s’opposant à ce coup de rabot sans précédent et à des mesures dont l’esprit nous paraît si éloigné de l’idéal européen.
Nos agriculteurs attendent de nous courage et fermeté pour les défendre. Soyons au rendez-vous de ce combat pour la protection de notre modèle agricole.
Aussi, nous soutenons sans réserve la proposition de résolution européenne visant à préserver une politique agricole commune forte et ambitieuse, au service de nos agriculteurs.