La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans le prolongement de la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Elle a été adoptée le 24 mai dernier par l'Assemblée nationale. Nous avons dû nous contraindre à un travail d'objectivité et de distanciation, d'autant que la création de nouveaux organismes extraparlementaires se poursuit ! On pourrait à bon droit s'interroger sur la légitimité et l'utilité de certains comités Théodule.
La présence des députés et des sénateurs au sein des organismes extraparlementaires est une tradition républicaine qui remonte au XIXe siècle, avec la création de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations en 1816.
Les OEP ont trois principaux objectifs : renforcer le contrôle de l'action du Gouvernement, comme le font la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ou le Conseil de l'immobilier de l'État ; améliorer l'évaluation des politiques publiques, c'est la mission, par exemple, des conseils d'administration de l'ENA ou de l'Agence française de développement ; et permettre aux organismes concernés de mieux appréhender les aspirations de nos concitoyens, dans le cas notamment de l'Observatoire de la laïcité ou du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.
La participation des parlementaires à ces organismes extérieurs est soumise au contrôle déontologique des instances compétentes de chaque assemblée. Rendue publique, elle ne donne lieu à aucune rémunération.
Le nombre d'OEP a connu une croissance exponentielle depuis les débuts de la Ve République, passant de 17 en 1958 à 73 en 1981, 147 en 2004 et 202 aujourd'hui. Les organismes extraparlementaires sont désormais tellement divers qu'il est quasiment impossible d'en établir une typologie cohérente : autorités administratives et publiques indépendantes, établissements publics, commissions consultatives, comités de suivi, etc.
La situation actuelle pose au moins trois difficultés. Elle accroît tout d'abord les contraintes déjà lourdes qui pèsent sur les agendas des députés et des sénateurs, au risque de pénaliser leur participation aux nombreux travaux de leur assemblée : séance plénière, commissions, délégations, structures temporaires... Elle laisse ensuite une grande marge de manoeuvre au pouvoir réglementaire : environ 40 % des OEP ont été créés par décret, ce qui semble contradictoire avec le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. En 2017, le précédent Gouvernement a même nommé un sénateur dans l'Instance nationale du supportérisme sans l'accord préalable de son assemblée ! Enfin, elle présente des règles de nomination disparates - les sénateurs membres d'un OEP ont été désignés par leur commission, en séance publique sur proposition des commissions, ou encore par le président du Sénat.
En mars 2015, le bureau et la conférence des présidents ont approuvé les préconisations de nos collègues Roger Karoutchi et Alain Richard pour limiter la « dispersion des sénateurs dans divers organismes afin d'encourager leur participation effective aux travaux du Sénat ». En octobre 2016, le Président du Sénat a refusé de désigner des sénateurs pour siéger dans les organismes extraparlementaires de nature réglementaire. En septembre 2017, le Sénat a adopté un amendement du président de la commission des lois au projet de loi organique pour la confiance dans la vie politique. Un principe clair et respectueux de la séparation des pouvoirs est désormais énoncé à l'article L.O. 145 du code électoral : à compter du 1er juillet 2018, seule une loi peut prévoir la présence d'un député ou d'un sénateur dans un organisme extraparlementaire. À titre transitoire, les parlementaires nommés avant cette date dans un OEP de nature réglementaire peuvent continuer à y siéger pour la durée pour laquelle ils ont été désignés.
En mars 2018, les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale ont déposé deux propositions de loi identiques, dans le cadre d'une initiative commune. En vue de rationaliser les procédures de nomination des députés et des sénateurs, les membres d'un OEP seraient désormais nommés par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, sauf disposition législative contraire. Des règles uniformes seraient fixées - respect de la parité entre les femmes et les hommes notamment. Le principe de pluralisme politique serait consacré dans la loi. Sauf mention contraire dans la loi, la désignation de suppléants au sein des OEP serait supprimée.
Il faut garantir la présence des parlementaires dans les structures où elle apparaît justifiée. Elle serait ainsi consacrée dans 33 OEP relevant aujourd'hui du pouvoir réglementaire, dont le Conseil national de l'habitat, le Conseil national de l'industrie, le Conseil d'orientation pour l'emploi, ainsi que dans 33 organismes déjà créés par la loi mais dont la composition relève aujourd'hui du domaine réglementaire, comme le Conseil supérieur de l'énergie ou le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires.
Le texte transmis au Sénat prévoit la suppression de la présence de parlementaires dans 28 OEP pour laquelle elle n'apparaît pas ou plus justifiée, dont 9 sont prévus par la loi et 19 par une disposition réglementaire. Ces suppressions sont le plus souvent justifiées par la faible activité ou l'absence d'activité des organismes correspondants, comme la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier ou la Conférence de la ruralité. Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit la présence de députés et de sénateurs dans 175 organismes extraparlementaires, contre 202 actuellement, soit une baisse de 13,8 %.
Je souhaite que l'on adopte la proposition de loi tout en poursuivant les efforts de rationalisation concernant la présence de parlementaires dans des organismes extérieurs. J'ai tenu à poursuivre la concertation engagée depuis plusieurs mois par les présidents des deux assemblées. J'ai consulté les présidents de groupe et de commission du Sénat mais également les OEP concernés par la proposition de loi - d'où il ressort que la présence des députés et des sénateurs y est particulièrement appréciée, notamment pour leur expertise politique et territoriale.
Je tiens à souligner que la proposition de loi doit être adoptée avant le 1er juillet 2018 pour garantir la présence de députés et de sénateurs dans les organismes extraparlementaires les plus utiles.
Nous allons apporter des mesures de simplification des règles de nomination et des garanties en termes de parité et de pluralisme. Je vous proposerai également de supprimer des renvois au pouvoir réglementaire et d'abroger des dispositions devenues obsolètes.
L'Assemblée nationale a souscrit à la volonté de rationalisation des organismes extraparlementaires sans toutefois l'approfondir. Elle a maintenu sept OEP supplémentaires, dont l'Observatoire des moyens de paiement et le Conseil national des professions du spectacle, et en a supprimé quatre... qui ont vocation à se reconstituer à l'occasion de prochains projets de loi, comme le Conseil national du sport ou le Conseil national de l'insertion par l'activité économique.
La rationalisation est difficile à mettre en oeuvre ! J'ai pu constater l'attachement des parties prenantes à la présence de parlementaires au sein des organismes extérieurs, même lorsque ceux-ci ne se sont pas réunis depuis plusieurs années. Néanmoins, nous devons poursuivre nos efforts suivant deux lignes directrices : d'une part, limiter la « dispersion » des parlementaires dans divers organismes et favoriser leur participation effective aux travaux de leur assemblée ; d'autre part, éviter de pérenniser dans la loi des commissions administratives consultatives qui avaient vocation être supprimées par le Gouvernement. Seule la présence de parlementaires dans les commissions consultatives les plus essentielles doit être maintenue, afin d'éviter un nouvel empilement de structures administratives. Je proposerai ainsi de supprimer la présence de parlementaires dans treize structures, dont le Comité de suivi de la loi sur la refondation de l'école de la République et l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz.
Dans la plupart des cas, il s'agit non pas de supprimer des organismes mis en place par le pouvoir réglementaire, dont la grande majorité pourront continuer à se réunir sans député ni sénateur, mais de mettre fin à la présence de parlementaires là où elle n'apparaît pas nécessaire. Cette position n'empêche pas, au cas par cas et selon des conditions très strictes, d'examiner l'opportunité de créer ou de maintenir des OEP supplémentaires, comme je le proposerai pour le Conseil national de l'air. De même, il convient de prévoir la présence de suppléants lorsque c'est strictement nécessaire, comme pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ou la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
Je proposerai enfin que la suppression d'organismes extraparlementaires de niveau législatif entre en vigueur non pas en 2022, mais dès le lendemain de la publication de la loi afin de supprimer dans les meilleurs délais des structures devenues inutiles ou obsolètes.