Cette proposition de loi est le fruit d'un travail transpartisan qui a duré neuf mois. Nous avons associé tous les groupes et toutes les commissions du Sénat. Ce texte a été signé par 230 collègues, dont 29 sénateurs de la commission des finances : c'est un record. Le précédent était détenu par une proposition de loi agricole de Gérard César, datant de 1997, et qui avait rassemblé 212 signatures.
Notre proposition de loi était attendue et il s'agit d'un enjeu de société. Consultés par nos soins, 4 000 élus locaux nous ont répondu. Notre étude d'impact démontre que l'allègement de la TVA des logements en centre-ville en revitalisation et la taxe sur les livraisons du e-commerce répondent aux attentes du terrain.
Au sein du groupe de travail que nous avons constitué, vos collègues Éric Bocquet et Claude Nougein ont été très actifs. Nous avons eu deux réunions de travail avec le président de la commission et avec le rapporteur général, ce qui nous a amené à modifier notre texte.
J'en viens aux principaux axes de la proposition de loi. Sur un tel sujet, les considérations techniques ne doivent pas l'emporter sur le politique. Le Sénat est une assemblée politique qui doit prendre des positions politiques de principe et pas seulement un corps technique adossé aux ministères. Ce texte est soutenu par de nombreux élus, par les acteurs du commerce et de l'artisanat, par les grandes associations d'élus comme l'Association des maires de France, les maires ruraux, les petites villes de France. Nous devons répondre à leurs attentes. Ce qui importe, c'est que la position du Sénat soit comprise par les collectivités, les élus et nos concitoyens.
Le volet fiscal de ce texte est essentiel pour rééquilibrer les coûts entre les centres-villes et leur périphérie, qui vont aujourd'hui du simple au double. Le volet fiscal est essentiel aussi pour dégager des ressources au profit des collectivités : sans lui, le texte ne pourrait être mis en oeuvre.
Nous devons avoir un positionnement clair vis-à-vis des collectivités territoriales. Nous sommes bien sûr prêts à accepter des amendements d'amélioration, mais évitons des amendements de suppression pure et simple. Laissons le Gouvernement prendre ses responsabilités sur ce texte !
Les centres-villes et les centres-bourgs doivent être financièrement plus attractifs, ce qui implique des mesures fiscales. C'est d'ailleurs un des points faibles de l'article 54 du projet de loi relatif à l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) dont des amendements de députés visent à réduire la portée. Nous n'alourdissons pas la fiscalité, mais nous la rééquilibrons au profit de ceux qui en ont besoin : collectivités en difficulté et ménages. Je ne pleurerai pas si les GAFA et si les grandes surfaces - que certains élus ont encouragé à se développer - sont plus lourdement taxés. Il n'y a pas de raison que les automobilistes payent leur stationnement en centre-ville et qu'ils ne payent rien lorsqu'ils font leurs courses dans les grandes surfaces de périphérie.
À l'article 3, nous proposons d'alléger la fiscalité sur les logements dans les périmètres des conventions « OSER ». Nous réduisons la TVA sur les logements neufs en centre-ville à 10 % et uniquement pour des opérations mixtes incluant du logement social. Cet encadrement répond aux exigences du droit européen. L'annexe III de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA qui fixe la liste des biens et services pouvant faire l'objet des taux réduits retient, au point 10, « la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale ». Nous pensons qu'une opération mixte logement social - logement intermédiaire - logement privé, comme celle que nous proposons, passe la rampe de la directive. Mais nous sommes prêts à réserver cette réduction de TVA aux seules opérations avec du logement social et du logement intermédiaire, en réécrivant l'article 279-0 bis A du code général des impôts.
La directive du 28 novembre 2006 ouvre, à son point 10 bis, le bénéfice du taux réduit de TVA à « la rénovation et la réparation de logements privés ». Or, la combinaison des dispositions du code général des impôts exclut mécaniquement du bénéfice du taux réduit des chantiers de rénovation très lourde qui sont fréquents en centre-ville et qui devraient l'être de plus en plus dans le cadre d'une politique audacieuse de revitalisation.
Nous ouvrons droit au dispositif de défiscalisation des investissements locatifs pour les centres-villes situés dans un périmètre « OSER ». Dans ces zones, comme cela a été souligné par de nombreux intervenants lors de la conférence de consensus sur le logement organisée par le Sénat, l'absence de « tension » est souvent générée non par l'absence d'une demande générale mais par l'état dégradé et vieillissant du parc immobilier. L'état de ce parc provoque un transfert progressif et massif de la population des centres-villes vers les périphéries et, concomitamment, une forte vacance de logements dans les centres. Notre objectif est d'inciter nos concitoyens à revenir se loger dans les centres-villes.
Pour éviter les abus qui ont pu conduire à bâtir des logements dans des zones où la demande était faible, la mise en oeuvre de la réduction d'impôt est strictement encadrée par une série de garde-fous : elle est réservée aux périmètres « OSER », qui sont par construction dans une dynamique de revitalisation. Pour éviter les constructions en l'absence d'offre réelle qui ont pu conduire des particuliers à ne pouvoir louer ni céder leur bien dans des conditions correctes, la réduction d'impôt est limitée à un nombre de logements et à une superficie de plancher compatibles avec les capacités d'absorption par le marché local et fixés par le préfet.
Enfin, le volume de logements accepté par le préfet pour le bénéfice du dispositif Pinel en périmètre « OSER » sera fonction de la situation du marché local et des perspectives de revitalisation du centre-ville.