Merci monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. C'est ma première audition devant la commission des affaires sociales du Sénat et je remercie votre commission pour l'intérêt qu'elle porte aux travaux de la Cour. Dans le cadre du code des juridictions financières et des compétences de la Cour des comptes, je me tiens à la disposition de la commission des affaires sociales sur tout sujet pour lequel elle souhaiterait entendre les membres de la sixième chambre.
Je rappellerai tout d'abord des chiffres qui interpellent : 449 milliards d'euros de dépenses et 555 milliards d'euros de ressources.
C'est le douzième rapport de la Cour portant sur la certification des comptes de la sécurité sociale. La Cour certifie cette année les neuf comptes de branches et organismes de sécurité sociale avec vingt-huit réserves, contre trente-et-une l'an dernier et trente-trois il y a deux ans. Cette réduction dessine une trajectoire de progrès, notamment liée aux améliorations du contrôle interne.
Nous certifions cinq comptes de branches et quatre comptes d'organismes de sécurité sociale. S'agissant du rapport de certification de la sécurité sociale, il est plus volumineux que l'acte de certification des comptes de l'État. L'ensemble des constats peut se rassembler sous deux rubriques :
- la maîtrise des risques et les dispositifs de contrôle interne ;
- plus globalement, la fiabilité, la régularité et l'image fidèle des comptes.
Derrière nos constats, il y a l'idée de la spécialisation des exercices. Nous ne voulons pas laisser trop de marge aux teneurs de comptes.
Concernant le déploiement du contrôle interne, nous faisons le constat, à travers l'ensemble des travaux d'audit, que le renforcement du contrôle interne s'est développé tout au long de l'année. Cette progression a permis de lever certains points d'audit. Restent toutefois des difficultés : insuffisances du contrôle interne à l'Acoss, résultats limités de la lutte contre la fraude et limites connues du contrôle des travailleurs indépendants.
Sujet de débat à l'intérieur de la chambre, nous avons noté une dégradation de certains indicateurs mesurant la portée des risques financiers attachés à telle ou telle branche ou organisme.
Aussi, par effet de perspective, un certain nombre de risques présentent une ampleur plus importante à mesure que se déploient les outils de contrôle interne. Nous constatons que 13 % des dossiers de liquidation des retraites comportent des anomalies.
Concernant la branche famille, je mentionnerai un chiffre : 2,8 milliards. Il correspond à la masse des indus qui ne seront jamais recouvrés. C'est une perte définitive importante, à l'impact macro financier. Ce chiffre était déjà connu les années précédentes et il demeure relativement stable.
Derrière ces constats deux sujets de difficultés sont pointés par les gestionnaires.
Le premier sujet, c'est l'instabilité et la complexité de la législation et de la réglementation sociale. La réglementation est complexe, changeante et le contrôle interne a du mal à suivre. C'est notamment le cas de la branche famille qui gère de nombreuses prestations pour le compte de la sécurité sociale et de l'État. Calculer une allocation différentielle sur la base de la déclaration de l'allocataire, avec des données remontant parfois aux années N-2 ou N-3, c'est extrêmement complexe.
Le second sujet tient à l'effet de masse. C'est particulièrement le cas des retraites, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) gérant un très grand nombre de dossiers.
Globalement, les dispositifs de contrôle interne continuent à se déployer. Donc nous certifions, avec des réserves qui restent importantes.
J'en viens à la régularité, l'image fidèle et la sincérité des comptes.
L'an dernier, nous avons émis une réserve sur l'imputation à un exercice qui n'était pas le bon d'un produit de contribution sociale généralisée (CSG). Le constat sur cet écart n'a pas été réconcilié à l'occasion de la procédure contradictoire entre la Cour et le Gouvernement.
Cette année, les sujets pointés sont d'une ampleur moindre et la Cour ne constate pas d'écarts majeurs ayant un impact significatif sur le résultat. Le seul point ayant un impact est le décompte sur cinq trimestres, au lieu de quatre, de la taxe sur les véhicules de société, dont le produit est de 150 millions d'euros. Il s'agit d'un montant relativement faible par rapport aux masses financières en jeu. Cet impact est donc en-dessous du seuil de signification.
Nous sommes particulièrement attachés à la sincérité des comptes. Il en est de même pour les conditions de financement du fonds pour l'innovation pharmaceutique, créé par la loi de financement de la sécurité sociale de l'an dernier. Nous nous trouvons presque dans un cas de débudgétisation. Ce fonds a été doté de 870 millions d'euros par une ressource qui n'impacte pas les comptes. Cette ressource a été constituée en allant chercher, dans le report à nouveau de la Cnav, une ligne excédentaire qui a été opportunément prélevée pour alimenter le fonds. Ce prélèvement a évidemment des conséquences sur le résultat de la Cnav. Nous critiquons, d'une part, la création de ce fonds qui isole plus de 6 milliards d'euros de ressources et, d'autre part, les conditions dans lesquelles ce fonds a été doté en fonds propres.
Enfin, un dernier point de désaccord réside dans les écritures comptables permettant de retracer le milliard d'euros de TVA affecté à l'Acoss pour compenser les exonérations de cotisations à l'assurance chômage. Passer simultanément d'un produit à recevoir à produit constaté d'avance est quelque peu baroque. Nous craignons que ce milliard d'euros figure de façon permanente dans les écritures comptables, ce que nous regardons avec une certaine méfiance.
Ces points d'alerte sont sans incidence majeure sur le résultat...
Au cours des dernières années, une tendance à recourir à des ressources exceptionnelles s'est développée en raison de la situation des finances sociales. Ces ressources ne sont toutefois pas enregistrées en comptabilité nationale. Ces jeux d'écriture sont sans incidence majeure sur le résultat comptable mais il est de la responsabilité de la Cour de les signaler.
S'agissant de la branche maladie, le renforcement du dispositif de contrôle interne s'est poursuivi. Les travaux menés sur le contrôle de l'ouverture des droits au titre de la protection universelle maladie (Puma), des prestations soumises à accord préalable, des avis d'arrêt de travail ont montré que des faiblesses subsistent. En particulier, l'intégration des services de contrôle médical dans le dispositif de contrôle interne reste insuffisante. Enfin, comme je l'ai dit, le risque financier résiduel demeure à un niveau important même si cela est essentiellement lié à des facteurs conjoncturels.
Sur la branche accidents du travail - maladies professionnelles nous faisons des observations voisines. Les progrès constatés ont permis de lever une partie des réserves même s'il existe encore des marges d'amélioration du contrôle interne.
Sur la branche famille, les dispositifs de contrôle interne des prestations légales conservent de grandes fragilités et le niveau de risque financier résiduel demeure élevé.
Sur la branche vieillesse, la Cour constate un renforcement du contrôle interne en matière de prestations extra-légales, notamment en matière d'action sanitaire et sociale. Le niveau de qualité de la liquidation des droits reste toutefois insatisfaisant et s'est légèrement dégradé, le taux d'incidence des erreurs étant passé de 0,87 % à 1,16 %. Les indicateurs de risque financier résiduel restent préoccupants.
Enfin, on constate également des marges d'amélioration des dispositifs de contrôle interne s'agissant de la branche recouvrement.