Intervention de Denis Morin

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 juin 2018 à 9h00
Certification des comptes du régime général de sécurité sociale exercice 2017 — Audition de Mm. Denis Morin président david appia conseiller maître jean-pierre laboureix président de section à la 6e chambre de la cour des comptes

Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes :

Vous m'avez interrogé sur la part d'imputation de l'amélioration des comptes sociaux aux réformes structurelles mises en oeuvre par les Gouvernements et à l'amélioration de la conjoncture économique. Le modèle français de protection sociale est en partie fondé sur les effets de stabilisation automatique induits par le versement des prestations sociales. La conjoncture économique a par conséquent des incidences plus que proportionnelles sur le niveau tant des ressources que des dépenses publiques, davantage sollicitées en période de dépression, mais un tel système permet au moins d'éviter les surchauffes. Ceci tient à l'identité profonde de notre modèle, qui réagit de façon très sensible à la conjoncture économique. Je suis d'autant plus convaincu de l'importance de cette dernière que les réformes structurelles récentes auxquelles vous avez été nombreux à faire référence se placent davantage dans une veine d'augmentation de la fiscalité sociale que de ralentissement des dépenses. Ces réformes ont plus contribué à sécuriser les ressources financières de notre modèle qu'à véritablement modifier sa structure de dépenses. Même en considérant un indicateur aussi finement géré que l'est l'Ondam depuis 2011, on s'aperçoit qu'il est situé, pour des systèmes de soins comparables, à presque un point de PIB au-dessus du niveau de dépenses de soins de nos voisins européens. Un point de PIB équivalant à presque 20 milliards d'euros, on peut légitimement questionner la raison d'un tel différentiel.

Vous avez également évoqué les tâches de contrôle dont doivent s'acquitter les organismes de sécurité sociale. Il est tout à fait exact que l'intensification de ces missions pèse substantiellement dans la négociation des conventions d'objectifs et de gestion (COG) entre l'État et les différentes branches, qui prévoient parallèlement une maîtrise de leurs effectifs. Néanmoins, je vous rappelle que les budgets informatiques de ces dernières ont été sanctuarisés et que nous comptons beaucoup plus sur l'impact des systèmes d'information dans le contrôle du versement des prestations - nous n'hésitons pas à parler de contrôles « embarqués » dans les systèmes d'information - que sur le recrutement d'agents spécialisés dans ces tâches.

L'idée d'une loi de programmation pluriannuelle est intéressante, mais elle présente un risque de redondance avec les dispositions déjà existantes prévues par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). Cette dernière pose le principe d'un examen triennal des exercices budgétaires de l'année écoulée, de l'année en cours et de l'année à venir. Je vous rejoins parfaitement dans l'idée d'une prise en compte impérative de la pluriannualité mais je plaiderais davantage pour une mise en oeuvre des principes déjà prévus. Par ailleurs, prendre en compte la pluriannualité ne doit pas faire oublier que nos paramètres budgétaires resteront toujours, comme je l'ai précédemment indiqué, fortement tributaires d'une conjoncture dont les mouvements peuvent être infra-annuels. Et si l'on considère que près de 50 % des masses financières globales transitent par la sphère comptable publique, on exposera toujours cette dernière à des oscillations difficilement maîtrisables. Il ne s'agit toutefois pas d'exagérer l'impact de la croissance économique sur le niveau actuel de notre dette sociale, dont je rappelle tout de même qu'il s'élève à près de 250 milliards d'euros.

Je souhaiterais enfin revenir sur la question des prestations indues. Le chiffre de 2,8 milliards d'euros correspond effectivement au trop-perçu mais il ne faut pas occulter le problème symétrique du non-recours. S'il est vrai que le juste droit du versement de la prestation sociale ne peut tolérer l'attribution d'indus, il se doit tout autant de lutter contre les difficultés d'accès à certaines prestations, qui pour certaines affichent des taux de recours inférieurs à 50 %. Les allocations logement, pour prendre cet exemple, sont calculées à l'aide de formules extraordinairement complexes, soucieuses d'exhaustivité mais qui découragent l'allocataire et limitent leur accessibilité. Songez qu'il faut parfois rassembler un nombre important de données déclaratives, pour certaines vieilles de plus de deux ans. Nous plaçons en ce sens beaucoup d'espoir dans la DSN. De façon plus générale, c'est le virage numérique de nos administrations qui constituera le levier le plus efficace de lutte contre la fraude, mais aussi contre le non-recours.

Pour répondre à la question du manque de moyen pour assurer le contrôle interne dans les caisses, il faut d'abord constater qu'en trente ans la sphère publique s'est considérablement modernisée. L'exercice de certification de la Cour y contribue en proposant des pistes d'amélioration pour renforcer le contrôle interne et la maîtrise des risques afin d'assurer le paiement à bon droit. En certifiant les comptes des organismes de sécurité sociale, malgré les 28 réserves soulevées dans le rapport, nous donnons l'assurance de la fiabilité de leurs comptes. Le contrôle interne s'améliore grâce au contrôle embarqué et aux potentialités de la DSN. Les gestionnaires doivent arbitrer entre leur activité de production (paiement de prestations ou recouvrement de cotisations pour lesquels la réglementation évolue régulièrement) et celle de contrôle afin d'assurer une production de qualité. Mais ils tiennent ces activités à part égale et aucun directeur de caisse n'a jamais diminué ses contrôles pour cause de baisse de moyen.

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