Intervention de Martial Bourquin

Mission commune d'information sur Alstom — Réunion du 6 juin 2018 à 13h15
Adoption du rapport final de la mission portant sur le volet « stratégie industrielle »

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin, rapporteur :

Si notre pays doit être ouvert aux investissements étrangers, il doit aussi protéger son industrie des comportements prédateurs.

Il faut d'abord élargir la liste des activités soumises au contrôle des investissements directs étrangers aux domaines en lien avec la révolution technologique, notamment le stockage et la sécurité des données, l'intelligence artificielle et les semi-conducteurs, ainsi que le domaine spatial, et assurer une révision périodique de cette liste. Le Gouvernement devrait y procéder prochainement. Il serait bon que le Parlement soit associé.

Il faut établir une cartographie précise des entreprises qui présentent en France un caractère stratégique, y compris les PME et les ETI, en s'appuyant notamment sur la connaissance du tissu industriel local par les services déconcentrés de l'État. Ce travail doit être effectué en collaboration avec les régions.

Pour les entreprises les plus stratégiques, et sur le modèle américain, le Gouvernement ne doit pas hésiter à imposer des mesures de gouvernance, notamment l'exclusion de l'investisseur étranger de son droit de vote sur certaines décisions ou la mise en place d'un « superviseur » indépendant au sein de l'entreprise.

La présence d'administrateurs salariés est également un moyen puissant pour éviter de céder aux sirènes d'investisseurs étrangers moins intéressés par un investissement productif en France que par un juteux retour sur investissement financier à court terme. Nous plaidons pour qu'il y ait des administrateurs salariés. Tous les pays scandinaves l'ont fait, et l'Allemagne est très active.

La commande publique est un outil pertinent pour conforter l'industrie française. Cela a été clairement mis en relief par nos travaux sur Alstom. D'une manière générale, on peut davantage tirer profit des règles des marchés publics, dans le respect du droit de l'Union européenne, afin qu'ils bénéficient pleinement aux industries implantées en France.

Dans une compétition mondiale, et non plus seulement intra-européenne, il est indispensable de développer une vraie stratégie industrielle à l'échelon européen. Nous proposons que cette mission, d'une part, soutienne pleinement les initiatives de l'Union européenne visant à faire respecter par les pays tiers le principe de réciprocité dans l'ouverture de leurs marchés, y compris les marchés publics, ainsi qu'à sanctionner les comportements de dumping et, d'autre part, invite la Commission européenne à une plus grande prise en considération, dans l'application de la réglementation relative aux aides d'État et au contrôle des concentrations, d'un contexte où les entreprises doivent avoir une taille critique pour rivaliser avec les géants industriels implantés hors de l'Union européenne. L'application du droit antitrust peut aujourd'hui nous empêcher d'avoir des champions européens.

Il faut soutenir une initiative européenne pour favoriser l'utilisation, au niveau du commerce international, de la monnaie européenne et envisager l'adoption de textes européens dont la portée serait explicitement extraterritoriale.

Le financement est une autre priorité. Il faut un environnement fiscal porteur. De nouvelles diminutions de cotisations patronales peuvent être envisagées, uniquement pour les secteurs exposés à la concurrence internationale. Il faut également des modifications d'assiette des impôts de production, sous réserve de ne pas provoquer de pertes de recettes pour les collectivités territoriales.

Il faut assouplir le pacte Dutreil. L'Allemagne et l'Italie ont des règles relatives aux droits de succession favorables à la transmission d'entreprises. Il faut s'en inspirer.

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