Merci monsieur le président pour cette invitation sur un sujet majeur pour l'ensemble des acteurs de la recherche et de l'expertise.
À l'Inra, nous sommes en particulier mobilisés sur les sujets de la dépendance et des alternatives aux produits phytosanitaires au sein de l'agriculture. Nous agissons à travers différentes actions. La recherche fondamentale en premier lieu : nous travaillons sur des alternatives aux phytosanitaires ainsi que sur leur impact pour l'environnement et la santé. L'expertise ensuite, au service des pouvoirs publics et du Parlement. Je rappelle le rapport récent qui a été demandé par le Gouvernement à l'Inra sur les alternatives au glyphosate. Enfin à travers l'appui aux programmes d'action tel qu'Ecophyto sur lequel les chercheurs de l'Inra sont très mobilisés et grâce auquel nous rendons les innovations profitables aux agriculteurs.
Je rappelle cependant qu'il ne fait pas partie des missions de l'Inra de trouver des molécules chimiques phytosanitaires, il s'agit du travail de l'industrie. Celui de l'Inra est de travailler sur les alternatives. Celles-ci sont de plusieurs ordres : biocontrôle, agronomique, génétique, résistance, et nous avons encore d'autres pistes.
Je rappelle également que l'INRA a récemment fait une publication, en 2017, en bonne coopération avec l'APCA et tout le réseau des fermes DEPHY du plan Ecophyto, qui montre que sur un petit millier de fermes françaises, engagés dans différents types de filière et de secteurs de production, des agriculteurs français avaient pu réduire de 30 % les phytosanitaires, par rapport à la référence moyenne, sans perte de rentabilité ou de productivité. Cet élément nous donne, dans un débat souvent tendu, des perspectives optimistes. Si on a pu le faire dans les 3 000 fermes engagées dans le réseau DEPHY, on doit pouvoir le faire à plus grande échelle Le débat législatif peut donc tourner autour des questions suivantes : comment va-t-on faire le changement d'échelle, et comment va-t-on opérer la diffusion à tous les agriculteurs de ces éléments ?
On peut également noter qu'en fonction du gradient de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, les difficultés vont être croissantes. Il est relativement facile de viser 5 à 10 % de réduction, en optimisant les équipements de l'agriculture, pour améliorer leur précision et c'est une orientation que suit la France. L'objectif des 30 % est également possible mais c'est une trajectoire qui nécessite plus d'accompagnement et de formation. Enfin si nous voulons aller vers 50 % et au-delà, nous allons alors vers ce que nous appelons une re-conception du système agricole. Il s'agit davantage d'une innovation de rupture que d'une innovation incrémentale.
Sur le biocontrôle, il s'agit seulement de 5 % des parts du marché des produits de protection des plantes, mais nous avons des atouts : un consortium de 49 partenaires, publics, privé, PME, start-up, laboratoires et instituts techniques, pour identifier les cibles prioritaires, c'est-à-dire les ravageurs qui ont le plus d'impact sur nos cultures et pour lesquels il faut trouver des réponses en termes de biocontrôle.
Enfin nous avons en génétique des perspectives intéressantes. Un exemple encourageant est celui de la vigne : nous avons mis au point des variétés de vigne résistante à l'oïdium et au mildiou, sans avoir besoin de recourir à la transgénèse, par des croisements d'hybridation avec des plants de vigne sauvage. Nous sommes en train de les déployer progressivement dans les bassins viticoles, avec beaucoup de prudence, pour que ces résistances ne se fassent pas contourner par des mutations de souche d'oïdium et de mildiou. Cela peut donc prendre du temps, mais si ce temps est laissé aux chercheurs et aux vignerons pour déployer ces variétés, il permettra d'atteindre 80 % de réduction de pesticide d'ici une quinzaine d'années.
L'Inra travaille par ailleurs sur l'impact des phytosanitaires, en partenariats avec l'Anses et les autres organismes de recherche. Un exemple marquant est notamment celui de l'impact des néonicotinoïdes sur la désorientation des abeilles, sur lequel une étude a été publiée en 2012.
Je souhaite enfin donner une autre perspective, car je trouve que nous sommes souvent confinés à une vision franco-française sur un sujet qui est mondial, mais surtout très européen. Nous essayons de porter ces problématiques au niveau européen avec nos partenaires de recherche. Nous sommes notamment en train de négocier un programme franco-allemand à présenter à l'Europe, qui permettrait de penser un système agricole compétitif, sans pesticide de synthèse.