Le débat sur les phytosanitaires est très vif. On ne peut que constater que notre modèle agricole, comme celui de beaucoup d'autres pays, est extrêmement dépendant de ces produits. Une vraie question de changement de ce modèle se pose. Cette dépendance est liée au contexte économique, à la volonté d'accroître la production et à la recherche de compétitivité, mais nous atteignons les limites de ce modèle : les inquiétudes sont fortes en matière d'atteinte à la biodiversité et les produits phytosanitaires portent une responsabilité en la matière. Nous avons par ailleurs de plus en plus de signaux en matière de santé environnementale et humaine. Plusieurs études sur les effets « cocktails » montrent que nous sommes exposés à une sorte de pression chimique, pas uniquement liée aux produits phytosanitaires, mais qui impacte fortement la santé des populations. On voit par ailleurs qu'en matière de maladies professionnelles, un certain nombre de pathologies sont reconnues en lien avec ces produits.
Il s'agit bien d'un sujet européen et mondial. Au niveau de l'Union européenne, la directive du 21 octobre 2009 demande aux États membres de mettre en oeuvre un cadre d'action pour une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. En France, on a développé sur cette base le plan Ecophyto. La France est d'ailleurs en ce moment entendue par la Commission européenne sur les conditions de mise en oeuvre de cette directive.
Un certain nombre d'actions ont été engagées par ce plan. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 a notamment été l'occasion de porter des actions pour améliorer le dispositif en la matière. Mais on constate aujourd'hui qu'il faut aller plus loin, et c'est pourquoi le Gouvernement souhaite traiter le sujet de façon très volontariste. Les États généraux de l'alimentation (EGA) de l'an dernier ont précisément traité de la question d'une alimentation plus durable et plus saine. Ces réflexions se sont traduites par deux axes d'action : le plan d'actions sur les produits phytosanitaires et une agriculture moins dépendante aux pesticides, ainsi qu'un projet de loi qui va être examiné par votre commission la semaine prochaine.
Je voudrais souligner les quatre axes de ce plan d'actions : le premier axe consiste à s'intéresser de très près aux substances les plus préoccupantes pour la santé et pour l'environnement. Il nous faut améliorer notre capacité d'investigation scientifique et notre capacité à conduire des études ad hoc, ainsi qu'à faire évoluer la réglementation européenne, accélérer les calendriers et mettre en place des mesures pour éliminer les substances les plus préoccupantes. Le deuxième axe consiste en une meilleure connaissance des impacts, en prenant en compte les riverains ainsi qu'un certain nombre d'autres éléments techniques, pour mieux protéger et informer l'ensemble des acteurs, professionnels et citoyens. Le troisième axe consiste à amplifier la recherche et le développement pour trouver des solutions alternatives. Nous avons besoin d'une rupture pour faire évoluer les modèles agricoles et nous affranchir, autant que possible, de l'usage de ces produits. Le développement de la recherche permettra d'avancer en matière de reconception des systèmes, et de développer le biocontrôle, l'agronomie, la bonne utilisation des variétés et l'accompagnement des acteurs agricoles. L'exemple des fermes DEPHY est un bon exemple de la façon de faire du collectif, mais le sujet reste compliqué et cela va demander du temps. Le quatrième axe est le renforcement du plan Ecophyto 2, que nous aurons l'occasion de présenter aux parties prenantes dans les prochaines semaines. Nous aurons également l'occasion de faire une consultation publique sur ce plan pour recueillir l'ensemble des avis en la matière. Ce plan mobilise beaucoup d'acteurs et nous avons un certain nombre de groupes de travail sur des sujets comme le biocontrôle et la séparation de la vente et du conseil par exemple.
Je terminerais avec un point sur le projet de loi en cours de discussion pour rappeler qu'il prévoit, pour la partie sur l'alimentation saine et durable, un certain nombre de mesures sur l'usage des produits phytosanitaires tel que la séparation de la vente et du conseil, la suppression des remise-rabais-ristourne et le renforcement des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).