Je suis agriculteur dans l'Aube. J'ai toujours été sensibilisé aux problèmes de réduction de produits phytosanitaires pour être compétitif. Je n'avais pas la possibilité d'avoir les meilleurs rendements. Dans le cadre de mon engagement à la FNSEA, nous avons mis en place le Forum agriculture responsable et environnementale (FARE). Également à l'APCA depuis une douzaine d'années, je suis en charge du dossier Ecophyto. J'ai contribué à sa mise place. Ce programme a d'ailleurs été maintenu par tous les gouvernements successifs. J'estime que ce serait une erreur d'y mettre fin.
J'aimerais vous expliquer quel rôle jouent les chambres régionales d'agriculture. Pour engager le plus grand nombre d'agriculteurs beaucoup de choses ont déjà été réalisées et beaucoup restent à faire. Nous considérons les participants d'aujourd'hui comme des partenaires, avec lesquels l'APCA a déjà créé des collectifs, avec l'ensemble des instituts techniques, l'INRA et les chambres d'agriculture, afin de développer des actions communes. Je citerai l'exemple des 3 000 fermes, dans le cadre de la cellule d'animation nationale (CAN) qui coordonne les différents acteurs, qui vivent des réalités différentes, selon la région, l'histoire ou les valeurs propres de chacun. Aujourd'hui, il existe 250 systèmes de culture économes et performants (SCEP). Plusieurs modèles de cultures ont été mis en place : des techniques culturales, mais aussi de nouveaux modèles développés et gérés par les instituts techniques. Il s'agit de systèmes, dans lesquels sont enregistrées l'ensemble des données culturales, ainsi que les données météorologiques. Ces systèmes permettent de savoir s'il est nécessaire ou non de traiter les cultures avec des produits. Par exemple, un modèle pour la pomme de terre permet aujourd'hui d'économiser entre 50 % et 70 % des interventions. Je citerai également le bulletin de santé végétale (BSV), mis en place depuis une dizaine d'années. Il permet aujourd'hui d'avoir un bulletin de santé dans chaque région, pour chaque culture et chaque filière. Il faudrait aller encore plus loin, de telle sorte que le bulletin devienne un relais de bonnes pratiques et un système permettant de rassurer. Il s'agit de savoir à partir de quand le risque est atteint, par exemple en présence de pucerons, dont le nombre, au-delà d'un certain seuil, entraîne un risque de jaunisse nanisante, et donc de pertes importantes pour les agriculteurs.
S'agissant du matériel, on trouve désormais du matériel de haute précision. Pour notre part, nous nous sommes beaucoup intéressés au matériel de pulvérisation, pour lequel il faut des moyens financiers et davantage de rigueur. Il y a également tous les robots, tels que les désherbants, mais aussi les drones d'observation, ou encore les capteurs sur les appareils à traiter. Nous espérons de grands progrès en matière de matériel dans les prochaines années.
Ensuite, nous pouvons proposer des solutions rassurantes et techniquement et économiquement viables. Cette année, dans ma région, 50 % des agriculteurs ont semé des colzas avec de la féverole. Certains n'ont pas compris l'intérêt de la féverole, qui a un double intérêt : d'une part, c'est une légumineuse qui apporte de l'azote au sol, et, d'autre part, elle constitue un répulsif contre les attaques de charançons. Le résultat est plutôt positif et nous avons pu nous affranchir d'insecticides à l'automne.
Par ailleurs, les mesures de formation peuvent encore progresser, qu'il s'agisse de la formation générale dans les lycées agricoles, où on ne sensibilise pas assez à l'agro-écologie et à l'écologie, ou de la formation continue : j'ai du mal à trouver des conseillers qui aient une formation pointue sur l'agro-écologie. Je rappelle que nous avons été les premiers à mettre en place le certiphyto, que 550 000 agriculteurs ont déjà passé. La communication est bien entendu indispensable. Nous manquons parfois de relais face aux rumeurs.
S'agissant du rôle des chambres, celles-ci sont au coeur du territoire. Nous produisons un conseil effectif. La seule fiscalité n'est pas suffisante pour rémunérer la quinzaine de techniciens de la chambre d'agriculteurs de l'Aube, a fortiori du fait de la diminution des recettes fiscales. Il est donc nécessaire que les agriculteurs contribuent directement pour obtenir un conseil ou un avis objectif. Sur 3 000 agriculteurs dans l'Aube, environ un millier sont contributeurs directs.
Enfin, il est important pour nous que le public sache que les agriculteurs améliorent leurs cultures en permanence, et que chacun s'implique, en amont comme en aval.