Il faudra en effet du temps. Aujourd'hui je considère qu'un tiers des agriculteurs sont déjà engagés qu'un tiers regarde ces sujets avec beaucoup d'attention, et que le dernier tiers n'est pas encore prêt à s'engager. C'est donc à nous de convaincre.
Il faut également considérer la qualité finale. Par exemple lorsque j'ai vidé ma benne à blé, j'ai eu huit contrôles, qui ont chaque fois été négatifs. D'où l'intérêt de cahiers des charges très strict, sinon ça ne passe pas, et parfois ça ne passe même pas au niveau de la commercialisation.
À propos du fonds d'indemnisation, je préfère évidemment qu'il n'y ait pas de victimes, et je me bats tous les jours pour ça. Sensibilisons les agriculteurs ! Ils n'ont pas été sensibilisés à mon époque, nous n'avions aucune formation sur le risque. Nous avons utilisé du glyphosate et du DDT, mais pas seulement dans l'agriculture. Nous utilisions le DDT dans les cheveux contre les poux pour les enfants et on nous a dit que le glyphosate était un produit que l'on pouvait même utiliser dans l'eau. Il n'y avait d'ailleurs pas de taxe au départ.
En termes de volume, il faut également avoir à l'esprit que le glyphosate représente un litre à l'hectare pour les agriculteurs. Si on le remplace par le désherbage ou du binage, on va augmenter la consommation de fuel et je ne suis pas sûr que le bilan carbone soit meilleur.
Je ne suis pas sûr que la réduction des molécules soit une bonne chose, comme les OGM. Je me suis également battu pour les OGM, pour avoir des résistances naturelles. Aujourd'hui la réduction de molécules implique que nous utilisions de plus en plus la même molécule. Or, il faut prendre en compte les équilibres.
À propos du conseil, la séparation du conseil et de la vente est en effet importante. On pourra dire que les chambres d'agriculture sont gagnantes parce qu'elles n'ont pas d'intérêt à vendre. C'est vrai, mais aujourd'hui on remarque que c'est davantage la qualité qui est en jeu, et c'est également ce qui est recherché par les acteurs économiques.
À propos du bio, je connais des agriculteurs qui ont perdu leur marché auprès des acteurs de la distribution car ceux-ci sont partis acheter en Espagne. Or les Espagnols appliquent certes le même règlement, mais ne subissent pas autant de contrôles. Certains agriculteurs vont même produire là-bas pour être tranquilles. C'est la même chose sur les importations, on interdit les OGM mais on utilise du soja OGM. La distorsion de concurrence est grave et elle est en train de mettre l'agriculteur français en difficulté.
Le fipronil dont on a parlé est un bon exemple : il est interdit et on ne l'utilise plus depuis sept ou huit ans. Mais il est toujours utilisé sur les colliers de chats et de chiens. En termes de risque, pour les enfants qui caressent ces animaux, ce n'est pas cohérent. C'est la même chose pour les oiseaux et la préservation de la biodiversité pour lesquels il faut reconnaître qu'il y a eu des problèmes. Moi-même j'ai utilisé des colorants nitrés et il n'y avait plus de vers de terre. Je pense que nous avons maintenant des produits qui sont bien plus respectueux de la faune et de la flore. Toutefois, d'autres problèmes apparaissent, par exemple faire pousser des tournesols, car les oiseaux mangent la graine dans le sol et nous n'avons plus de produits répulsifs.
À propos des outre-mer, on a fait des progrès en réduisant de 35 % l'utilisation des pesticides sur les filières dans ces territoires. La diminution est différenciée selon les filières, elle est par exemple de 15 % pour les grandes cultures, mais c'est aussi la filière qui en utilise le moins.
En termes d'objectifs, il faut considérer qu'on veut passer de 30 000 agriculteurs à 300 000 mille. Je regrette que sur ce dossier on n'ait pas suivi vos propositions. Pour 30 000, il fallait un cadre général national, qui n'a pas été mis en place. Ce sont les agences qui gèrent ce niveau, les chambres ne peuvent alors qu'en faire la promotion. C'est donc parti dans tous les sens et on ne sera pas au rendez-vous, on avait 5 ans pour arriver à 30 000 mais on n'y sera pas. Je propose de développer des systèmes de réduction, avec des groupes qui s'engagent sur une thématique pour réduire les produits phytopharmaceutiques avec des solutions alternatives. C'est comme ça qu'on fera évoluer l'agriculture.