Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, outre les points déjà évoqués par M. Claude Nougein, le texte que nous vous soumettons tend à lever le frein principal à la transmission d’entreprise, à savoir la complexité de son encadrement juridique et fiscal. La France cumule des dispositifs qui, ensemble, peuvent sans doute permettre une transmission à des prix raisonnables, surtout depuis la disparition de l’ISF, mais, pour y parvenir, les entrepreneurs doivent accomplir un véritable parcours du combattant !
Nous proposons donc de moderniser le « pacte Dutreil », qui prévoit des avantages fiscaux contre des engagements en termes de durée de détention des titres. Notre texte rend plus avantageux le dispositif Dutreil en portant à 90 % le taux d’exonération fiscale, contre un allongement à huit ans de la durée totale des deux engagements. Il assouplit l’obligation de maintien des participations pendant la durée de l’engagement, notamment en cas d’interposition de société entre le redevable et la société éligible au dispositif Dutreil. Pour plus de simplicité, nous proposions de supprimer les obligations déclaratives que doivent spontanément observer les donataires, chaque année, pour attester du respect du pacte, sans quoi ce dernier devient caduc. La commission des finances préfère reprendre la rédaction adoptée par le Sénat pour le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance : les obligations déclaratives annuelles seraient maintenues, mais les déclarations devraient être produites sur demande de l’administration.
Notre texte permet, en outre, que la donation de titres placés sous engagement individuel puisse se faire à des donataires autres que les seuls descendants, ce qui peut faciliter la transmission à des salariés. Il précise aussi les possibilités d’apport de titres à une holding et prévoit de mieux définir la notion de holding animatrice, dont le flou actuel entretient une insécurité juridique qui est la principale source du contentieux dans l’application des pactes Dutreil.
Cette proposition de loi tend à améliorer le régime de l’apport-cession, qui n’a que très peu d’intérêt et beaucoup d’effets pervers dans sa version en vigueur : il s’agit de favoriser le réinvestissement dans une PME des produits de cession d’une société.
Nous avions également envisagé de proposer une expérimentation pour faciliter la transmission dans deux secteurs auxquels nous sommes très attentifs, l’agriculture et l’artisanat. Il apparaît, à l’examen, que le dispositif soulève des questions, et ce au sein même des professions concernées. Son adoption aujourd’hui nous semblerait donc prématurée, mais nous devrons veiller à revenir sur ce sujet important lors d’un de l’examen d’un prochain texte traitant d’agriculture ou de fiscalité. C’est une attente de la profession agricole, notamment des jeunes agriculteurs.
Le dernier chapitre de la proposition de loi répond à l’ambition de favoriser les reprises internes, c’est-à-dire les reprises par les salariés. C’est en effet une possibilité importante de transmission des entreprises qui doit être encouragée. La loi Hamon de 2014, en établissant une obligation rigide d’information préalable des salariés, a fragilisé ce mode de transmission. Le délai imposé est trop court pour permettre aux salariés de s’organiser, tout en étant trop long pour ne pas fragiliser l’entreprise. En effet, les transmissions internes réussies se préparent très en amont et en toute confidentialité. Dans les faits, les dirigeants préfèrent souvent payer la pénalité prévue, plutôt que de respecter l’obligation d’information préalable. C’est un comble !
Le texte qui vous est soumis vise donc à abroger ces dispositions de la loi Hamon. Les salariés devront cependant toujours être informés de la possibilité de présenter une offre de reprise, mais à un stade où cette information ne risque pas d’hypothéquer les chances d’une reprise en train de se dessiner.
Les abattements fiscaux prévus lors d’une reprise par un ou plusieurs salariés seraient relevés de 300 000 à 500 000 euros, et le nombre minimal de salariés-repreneurs requis pour ouvrir droit à un crédit d’impôt en faveur de la société reprise en interne serait réduit de quinze à cinq pour toutes les entreprises comptant plus de quinze salariés.
Mes chers collègues, la délégation sénatoriale aux entreprises, sous la présidence d’Élisabeth Lamure, nous a confié la rédaction d’un rapport sur la cession-transmission d’entreprise. Après six mois de travail et plus de quatre-vingts auditions, ce rapport a été présenté lors de la Journée des entreprises du printemps 2017. Ses vingt-sept préconisations ont été très appréciées des entreprises et des professionnels de la cession-transmission. Il a suscité beaucoup d’articles de presse et une proposition de loi qui constitue l’aboutissement de ce travail. C’est une approche globale de la transmission d’entreprise, depuis la TPE jusqu’à l’ETI.
Cette proposition de loi permettra d’aider à maintenir les entreprises sur leur territoire et de fluidifier et faciliter les cessions et transmissions, qui sont toujours des moments particulièrement délicats pour nos entreprises. Je ne doute pas que le Sénat soutiendra ce soir très majoritairement ce texte, dans l’intérêt même de nos territoires.