Nous ne nous opposons pas à ces dispositions sur le fond : nous aussi, nous souhaitons que l’ensemble des dispositifs inhérents à la transmission des entreprises agricoles, des entreprises artisanales et des petits commerces soient renforcés ou améliorés, mais cet article, en l’état, pose un certain nombre de difficultés.
Tout d’abord, les modalités de mise en œuvre soulèvent divers problèmes. En particulier, le régime fiscal applicable aux remboursements demeure incertain, et le remboursement de l’avance ne serait pas sécurisé pour le contribuable qui s’engagerait dans l’expérimentation.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la qualité du repreneur dans le domaine agricole, les précisions mentionnées ne forment pas un ensemble homogène avec les dispositions prévues au titre des aides aux jeunes agriculteurs, notamment sous l’angle de la qualification du nouvel exploitant.
L’hypothèse selon laquelle l’exploitation serait reprise par une pluralité d’opérateurs n’est pas couverte. De même, aucune information n’est apportée sur le statut du remboursement ou sur son calendrier en cas de décès du cédant.
Par ailleurs, ce dispositif d’expérimentation s’appliquerait également aux commerçants et aux artisans, soit à un ensemble hétérogène, rassemblant de très nombreuses petites entreprises sur lesquelles ses conséquences n’ont pas été anticipées.
Le statut de l’expérimentation ne permet pas de lever ces difficultés, dans la mesure où la durée d’application du dispositif, qui inclut la période de remboursement de l’avance, soit dix ans, est inférieure à celle qui est prévue pour l’expérimentation elle-même. Il faudrait donc prévoir un mécanisme de débouclage, dans l’hypothèse où l’expérimentation ne serait pas jugée efficace.
La complexité du dispositif pose également question, notamment en matière constitutionnelle, au regard de l’égalité devant les charges publiques.
Tout d’abord, il ne va pas de soi que la répartition de la déduction envisagée, qui réserve un tiers de la somme déduite au cédant, puisse être considérée comme concourant à l’objectif d’intérêt général.
Ensuite, l’exclusion du bénéfice du dispositif des exploitations placées sous un régime fiscal autre que celui du réel agricole conduirait à traiter différemment des exploitations connaissant des situations analogues, sans justification particulière tirée de l’objectif poursuivi.
Néanmoins, si ce dispositif est inopérant, il a le mérite de nous inviter à réfléchir aux moyens de fluidifier et de sécuriser les transmissions d’exploitations agricoles et artisanales. Plusieurs pistes plus simples auraient pu être explorées, comme l’allocation de moyens budgétaires supplémentaires ou l’assouplissement des critères d’attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs, voire la création d’un prêt à taux zéro ad hoc porté par Bpifrance.
Il n’était malheureusement pas de la compétence de la commission des finances de mettre en place de tels dispositifs. J’en appelle donc au Gouvernement, afin, s’il partage notre vision, qu’il prenne à son compte ces initiatives, dans le cadre soit de la loi sur l’agriculture, qui va bientôt arriver en discussion au Sénat, soit du collectif budgétaire de l’automne, ce qui lui laisserait un peu plus de temps de réflexion.