Mes chers collègues, celles et ceux qui étaient présents lors de la discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire se souviennent que nous avons déjà longuement débattu de l’obligation d’information des salariés en cas de transmission ou de vente.
Nous étions parvenus à imposer une obligation d’information des salariés deux mois avant la vente ou la reprise d’une entreprise. En Allemagne, ce délai, qui concerne toutes les entreprises, est beaucoup plus long.
La majorité sénatoriale est toujours opposée à cette mesure – l’expérience n’a rien changé de ce point de vue – et a présenté ses propositions. Tout d’abord, il était question d’accepter l’information des salariés en en réduisant le délai. C’était reconnaître la reprise interne comme un des modes les plus efficaces en termes de pérennité de l’entreprise et de sauvegarde de l’emploi.
Aujourd’hui, les auteurs de ce texte proposent la suppression de cette obligation. Selon moi, il s’agit d’une grave erreur.
Quand une entreprise est en difficulté, il est presque impossible de monter un dossier de reprise solide en deux mois, en particulier par une coopérative. Demandez donc à la Confédération générale des sociétés coopératives et participatives, la CGSCOP, qui a beaucoup pratiqué cet exercice.
Par exemple, en Savoie, une entreprise financière rachetait systématiquement des sociétés spécialisées en haute technologie, employant surtout des ingénieurs. D’origine singapourienne, mais domiciliée en Suisse, elle avait pour habitude de racheter les brevets, puis de partir, laissant l’entreprise française disparaître.
Dans un cas, les ingénieurs et les cadres ont voulu préparer un dossier de reprise, mais, ayant été prévenus trop tard, ils n’ont pu parfaire le montage. Leur candidature était sérieuse, mais pas tout à fait aboutie, et ils ont perdu devant le tribunal de commerce. Fort heureusement, le gouvernement de l’époque a fait appel, nous avons eu le temps de parachever le dossier et le tribunal de commerce a accordé la reprise aux salariés en deuxième instance. Pour obtenir ce résultat, je puis vous assurer qu’il a fallu mobiliser tout l’appareil d’État !
Ce cas était particulièrement visible, mais il en existe beaucoup d’autres, que la CGSCOP vous décrira, dans lesquels il est impossible de monter un projet de reprise en moins de deux mois.
Il est vrai que certaines reprises ne posent aucun problème, mais, dans certains cas, les repreneurs sont des prédateurs et les salariés, notamment les cadres, peuvent s’en rendre compte. Ils voient parfois venir la disparition de l’entreprise, quand le vendeur accepte une proposition qui lui paraît séduisante.
Je vous assure, mes chers collègues, que je ne demande rien qui soit disproportionné : un délai de deux mois rend l’information des salariés acceptable.
Madame la secrétaire d’État, j’espère que le Gouvernement soutiendra cet amendement, car c’est un décret signé par M. Emmanuel Macron qui a mis ce dispositif en place !