Je suis directeur de recherche émérite à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et membre du CCNE depuis décembre dernier. La révolution numérique impacte tous les domaines. Dans le cadre des États généraux, nous nous sommes plus spécifiquement intéressés aux aspects santé et bioéthique du numérique. Par rapport à d'autres sujets, les débats ont été très consensuels et ont permis de dégager trois grands constats.
Premièrement, l'apport du numérique dans le domaine de la santé est globalement positif pour nos concitoyens, pour les patients, pour les personnels de santé. Deuxièmement, il y a clairement un déficit d'information et de formation pour pouvoir se positionner et prendre les bonnes décisions : les citoyens, les patients et même les professionnels de santé peinent à saisir complètement ce vocabulaire spécifique, à en comprendre toutes les implications. Troisièmement, dans un tel contexte, il est difficile de maîtriser l'ensemble des sujets, d'où une certaine méfiance sur l'impact du numérique sur la santé de façon globale.
Se font alors jour un certain nombre de demandes prioritaires, déjà mentionnées, mais plus spécifiques au lien entre numérique et santé. C'est d'abord le fait que l'humain doit rester véritablement au centre du processus de décision et maître de cette décision, ce qui implique de respecter l'autonomie de chacun et de favoriser la compréhension de tous, notamment sur le fonctionnement des grandes masses de données ou des algorithmes d'apprentissage.
Il importe, en outre, que le consentement puisse être totalement éclairé. Il y a un besoin fondamental, de la part du citoyen, du patient qui confie ses données dans le cadre médical, de comprendre à quoi elles vont servir, pendant quelle durée et avec quel impact potentiel sur la recherche. Dans le milieu clinique, il peut s'agir de savoir, pour les associations citoyennes de lutte contre les maladies rares, comment partager les informations au bénéfice de tous.
Il est tout aussi fondamental, compte tenu du phénomène de désertification médicale qui touche particulièrement certaines régions de France, de pouvoir recourir à la télémédecine. Cela concerne aussi bien le patient que le médecin : comment maintenir l'empathie via un média technologique ?
Globalement, un certain nombre de thèmes cristallisent les interrogations éthiques : comment s'assurer, dans le cadre de systèmes particulièrement complexes, que le patient donne un consentement éclairé à leur usage ? Qui est responsable en cas d'erreur ? La machine, l'algorithme, le médecin, l'humain ? Quid de la gestion des données massivement collectées par ces systèmes ? Que deviennent-elles ? Qui en la responsabilité ? Quelle est leur durée de vie ? Que reste-t-il du secret médical ?
Les États généraux ont permis de montrer l'étroite connexion qui existe, à un niveau ou à un autre, entre le numérique, l'intelligence artificielle, la robotique et l'ensemble des autres sujets qui ont été abordés. Tout le monde est concerné : citoyens, patients, personnels médicaux. Au-delà des aspects génomiques et de la télémédecine, c'est l'organisation de l'ensemble du système de santé qui est concernée.