Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 juin 2018 à 11h00
Situation en libye — Audition de M. Frédéric deSagneaux envoyé spécial pour la libye au ministère de l'europe et des affaires étrangères

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

La Libye est depuis longtemps un sujet de préoccupation. Notre commission a mis en place un groupe de travail qui nous rendra à la fin du mois ses conclusions.

La situation intérieure de ce pays demeure chaotique. Depuis la révolution de 2011 qui a renversé le régime autoritaire de Kadhafi, la plus grande confusion règne dans sa gouvernance : deux assemblées parlementaires, issues de deux élections successives, l'une à Tobrouk, l'une à Tripoli se disputent le pouvoir et le gouvernement d'entente nationale, issu des accords de Skhirat en 2015, soutenu par la communauté internationale et dirigé par M. Al-Sarraj n'a pas été investi et ne peut exercer pleinement sa souveraineté. Dans l'est du pays, le Maréchal Haftar a réussi à fédérer des forces armées pour prendre progressivement le contrôle de la Cyrénaïque, avec le soutien militaire de l'Égypte et des Émirats arabes unis, et y assure une certaine stabilité. Dans de nombreuses villes et parties du territoire, à l'Ouest et au Sud, le pouvoir est tenu par des milices locales.

La situation économique de la Libye s'est dégradée. La production de pétrole a repris et atteint désormais 70 % de son potentiel. L'affaissement du cours du dinar sur le marché noir a créé une crise de liquidité et un appauvrissement général de la population.

Si le niveau d'affrontement armé entre ces divers groupes est de faible intensité, cette situation génère des risques importants y compris pour l'environnement régional de la Libye. La menace d'implantation de groupes terroristes (Daech, Al Qaeda) semble amoindrie après la reprise de Bengazi et de Syrte, mais reste préoccupante pour les pays voisins comme l'Égypte ou la Tunisie, mais aussi pour les pays du Sahel.

Les migrations se développent vers la Méditerranée centrale, dans des conditions humainement terrifiantes. La conjugaison des accords passés par l'Italie avec certains groupes locaux, de la mission Eunavfor Sophia, et du travail en amont sur les pays d'origine et de transit a permis, depuis l'été 2017, de limiter les traversées, mais la pression demeure.

Cette instabilité crée un risque d'extension par procuration des conflits structurels au sein du monde arabo-musulman entre les opposants (Émirats, Arabie Saoudite, Égypte) et partisans (Qatar et Turquie) de l'islam politique.

La communauté internationale essaie laborieusement, sous la houlette des Nations unies, de faire progresser la réconciliation. Son représentant spécial, M. Ghassan Salamé, depuis le mois de septembre dernier, implique toutes les parties prenantes, mais dénonce régulièrement les partisans du statu quo, bénéficiaires de cette instabilité.

La réunion, la semaine dernière, d'une conférence à Paris a permis de faire prendre l'engagement aux principaux dirigeants libyens devant la communauté internationale de s'acheminer d'ici la fin de l'année vers de nouvelles élections.

Vous nous direz, dans ce contexte, quelle est votre analyse de la situation et du processus de réconciliation, ce que représente l'accord de Paris en tant qu'étape importante de ce processus, et comment la France et la communauté internationale comptent maintenant agir afin que les acteurs locaux en rendent effectives les dispositions.

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