Intervention de Jean-Michel Rapinat

Mission d'information réinsertion des mineurs enfermés — Réunion du 6 juin 2018 à 16h00
Audition de M. Jean-Michel Rapinat directeur des politiques sociales de l'association des départements de france

Jean-Michel Rapinat :

Pour nous, l'harmonisation des pratiques, ou plus exactement la valorisation des pratiques innovantes, qui peuvent être différentes d'un territoire à un autre, a vocation à être partagée. Un travail est actuellement mené à l'ADF, sous l'égide du président de la commission des solidarités et des affaires sociales, M. Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, en partenariat avec l'observatoire nationale de l'action sociale décentralisée. L'ADF lui a demandé un travail de compilation des pratiques innovantes, afin de les porter à la connaissance du plus grand nombre et d'inspirer les territoires sur ces questions très sensibles.

En outre, nous réunissons régulièrement, au sein de l'ADF, l'ensemble des cadres des services départementaux. Ainsi, Pierre Monzani, directeur général de l'ADF réunit mensuellement les directeurs généraux des services. De manière générale, les services de l'ADF rencontrent régulièrement leurs correspondants. Les différentes pratiques, la richesse de ces dernières sont portées à la connaissance du plus grand nombre, au service de l'intérêt général, et de l'intérêt particulier de l'enfant.

Les mineurs non accompagnés sont un sujet extrêmement sensible sur le plan politique. Nous avons trouvé le chemin pour un dialogue avec le Gouvernement, afin d'avancer progressivement sur ce terrain. Les départements sont fiers de faire le maximum pour accompagner ces jeunes.

Vous avez fait référence aux propos du Premier ministre l'année dernière, ainsi qu'à ceux du Président de la République avant lui, annonçant l'intention de l'État de financer l'évaluation préalable et la mise à l'abri de ces jeunes, avant toute décision judiciaire et avant la prise en charge de ces derniers au titre de l'ASE. Le Premier ministre et M. Dominique Busserau, président de l'ADF, étaient convenus d'une mission bipartite - la première en la matière - permettant à l'inspection générale de l'administration, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de la justice, avec des représentants de l'ADF, de travailler sur des pistes opérationnelles. Le rapport a été présenté le 15 février. La proposition du Gouvernement est la conséquence de ce dernier, et notre instance, le bureau de l'ADF, a fait voter l'ensemble des présidents de conseils départementaux sur celle-ci. Elle a obtenu une majorité.

Cette proposition concerne non pas la reprise par l'État de la mise à l'abri des jeunes et de la période d'évaluation, mais une compensation financière sur deux volets. Un forfait serait versé au département sur la partie évaluative. Il serait de 500 euros par jeune, pour permettre au département d'effectuer l'évaluation de la situation du jeune, de sa minorité, son parcours et d'essayer de faire coïncider cette évaluation avec la prise en charge qu'on pourra éventuellement lui proposer. En outre, l'État a proposé également de participer au financement de la mise à l'abri de ces jeunes pendant la période d'évaluation. Cette dernière est plus longue qu'autrefois, car un certain nombre de services sont débordés par le nombre de jeunes qui s'adressent à eux. Nous avons évalué le temps nécessaire pour y procéder à 25 jours. Le gouvernement a proposé une participation sur les 23 premiers jours.

Dès lors que le jeune est admis à l'ASE, l'État participera partiellement à sa prise en charge. L'accord conclu avec le précédent gouvernement prévoyait une prise en charge de 30% des frais d'accueil au titre de l'ASE. Le Premier ministre a annoncé une prise en charge de 6 000 euros pour la moitié des nouveaux jeunes admis à l'ASE dans les années à venir. Il a insisté sur le caractère pérenne de cette aide, alors que le précédent accord ne portait que sur l'exercice 2018. 132 millions d'euros avaient ainsi été inscrits au budget 2018 pour couvrir partiellement cette prise en charge.

Cette question est d'autant plus sensible qu'elle coïncide avec la signature potentielle des pactes financiers. On souhaitait à l'ADF que, dans la mesure où il s'agit d'une dépense évolutive, un accord local entre le préfet et le président du conseil départemental soit trouvé, afin de sortir cette dépense du pacte financier. En effet, ces derniers affichent un objectif d'accroissement des dépenses de fonctionnement limité à 1,2%. Nous serons vigilants sur les circulaires qui pourraient être transmises et les conditions précises d'application de cet accord.

L'accompagnement des jeunes présentant des troubles est un vrai sujet, qu'il s'agisse d'un handicap psychique, psychologique ou psychiatrique. Les services de pédopsychiatrie ou de psychiatrie adulte ne peuvent pas toujours répondre aux difficultés, telles que les départements peuvent les présenter. En effet, les départements ne sont pas des spécialistes de ces questions et ils se tournent vers ces services dans un souci d'accompagnement de ces jeunes. C'est un problème majeur de plus en plus souvent relevé par les maisons départementales des personnes handicapées(MDPH). Il y a beaucoup de demandes, et on ne peut pas toujours y répondre, ou trouver la solution thérapeutique et d'accompagnement la plus adaptée au problème particulier du jeune. Le président de l'ADF est en train d'imaginer des solutions d'accompagnement de long terme pour ces jeunes et leurs familles. Il faut avoir en tête que cela concerne une proportion importante, et croissante, des jeunes admis à l'ASE.

L'ADF n'a pas la prétention de se prononcer sur la question de l'ordonnance de 1945. Toutefois, nous considérons qu'il faut répondre aux besoins du jeune, qu'il soit victime ou auteur, car même dans ce dernier cas, il est en partie victime. Quand les services départementaux le suivent, y compris dans une structure fermée, la question est pour nous d'anticiper une solution suffisamment tôt. Nous devons mettre en place une coopération renouvelée et meilleure qu'aujourd'hui afin d'éviter les ruptures lors du passage d'un statut et d'une prise à charge à un autre. C'est notamment le cas à la sortie de ces établissements et à l'entrée dans le dispositif de l'ASE. Une réflexion importante est nécessaire pour mieux anticiper les parcours, et organiser un travail partagé entre les structures. C'est également le cas de l'action en milieu ouvert. Nous devons savoir si le jeune à des parents en capacité de l'accompagner ou non, s'il doit être protégé.

Travailler sur le parcours du jeune est important. Nous le faisons déjà pour d'autres publics, par exemple pour les sorties de détention pour des publics plus âgés. Des points d'amélioration existent.

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