Intervention de Jean-Marc Huart

Mission d'information réinsertion des mineurs enfermés — Réunion du 6 juin 2018 à 16h00
Audition de M. Jean-Marc Huart directeur général de l'enseignement scolaire

Jean-Marc Huart, directeur général de l'enseignement scolaire :

La résorption du décrochage scolaire, est une priorité du ministère et nous avons considérablement progressé, que ce soit dans les résultats comme dans les dispositifs. La loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a représenté un tournant, en instaurant un système d'information recensant les sorties sans diplôme ou en cours de formation.

Ce système d'information nous donne la liste des décrocheurs et permet d'alimenter les plates-formes de suivi et d'appui aux décrocheurs (PSAD), qui intègrent les réseaux « Formation qualifiante emploi » (FOQUALE). Ces structures prennent contact avec les jeunes identifiés, les reçoivent et les accompagnent dans leur retour en formation. Grâce à ces efforts, le nombre de décrocheurs a fortement baissé : de 150 000 par an il y a cinq ans, nous comptons aujourd'hui moins de 100 000 décrocheurs par an.

La prévention de la délinquance passe notamment par l'insertion dans la formation et dans l'emploi. Sans faire d'analogie entre les jeunes décrocheurs et les jeunes sous main de justice, il existe néanmoins des convergences - que vous avez pu observer - entre ces deux populations. De la même manière, même s'il n'y a pas de causalité, il existe une relation entre l'absence de maîtrise des savoirs fondamentaux et le décrochage. Nous sommes donc face à un phénomène cumulatif.

Concernant l'enseignement dispensé aux mineurs sous main de justice, le dispositif est solidement établi. Dans les 52 centres éducatifs fermés (CEF) en activité, l'enseignant qui y est nommé est membre à part entière de l'équipe éducative : souvent spécialisé, il peut être professeur des écoles ou du second degré. Les objectifs de l'enseignement dispensé en CEF sont fixés par une circulaire du 30 juillet 2015.

En ce qui concerne le milieu pénitentiaire, l'enseignement y est dispensé dans un cadre défini par une convention conclue entre nos deux administrations, et déclinée à trois niveaux : au niveau national, les directeurs d'administration fixent les objectifs, le pilotage est assuré au niveau régional et la mise en oeuvre à l'échelon local, c'est-à-dire dans chaque établissement. La concertation est conduite à chacun de ces trois niveaux.

À la rentrée scolaire 2017, 789 postes en équivalents temps plein (ETP) étaient mis à disposition pour l'enseignement en milieu pénitentiaire, en hausse de 5,5 % sur les cinq dernières années. Ils exercent leur métier auprès de 68 574 personnes détenues ; parmi les mineurs détenus, au nombre de 2 571 en 2016, 95 % étaient des garçons et 90 % avaient entre seize et dix-huit ans. Le volume d'enseignement dispensé est supérieur à vingt heures hebdomadaires pour 79 % d'entre eux.

Lorsque je travaillais en académie, j'ai constaté que, pour l'administration pénitentiaire, la question de la scolarisation était importante, sans être néanmoins la première des priorités : la prévention du suicide, l'intégration du jeune dans le cadre pénitentiaire sont des tâches plus urgentes.

J'en viens aux enseignants. Les enseignants exerçant en CEF sont des personnels expérimentés, prélevés sur la dotation de l'académie concernée ; aucun néo-titulaire n'exerce donc en CEF. Le recrutement se fait sous la forme d'un poste à profil ; les candidats ayant répondu se présentent à un entretien individuel et le recrutement est décidé par une commission mixte associant l'éducation nationale et la justice. Les détenteurs du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive (CAPPEI) sont privilégiés mais des enseignants ayant l'expérience de publics difficiles sont également admis. Les enseignants nouvellement nommés en CEF reçoivent une formation d'adaptation à l'emploi, à raison de deux sessions de cinq jours, organisée conjointement avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

En milieu pénitentiaire, les unités locales d'enseignement (ULE) comprennent des enseignants titulaires ainsi que des vacataires, placés sous l'autorité fonctionnelle d'un responsable local de l'enseignement. Les postes en milieu pénitentiaire sont également des postes à exigences particulières : il faut une volonté des personnels d'aller vers ces postes, puis une sélection est opérée. Tous les candidats sont reçus en entretien individuel et une commission mixte, présidée par le recteur et par le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire, examine les candidatures. Une formation d'adaptation à l'emploi est dispensée, comprenant une session de découverte, puis deux sessions à l'institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, en lien avec le responsable national de l'enseignement à la direction de l'administration pénitentiaire. S'agissant de la formation continue, dispensée au sein des unités pédagogiques régionales (UPR), celle-ci porte moins sur la pédagogie que sur les questions liées à la sécurité et aux contraintes d'organisation des cours.

En ce qui concerne l'évaluation, nous ne disposons pas d'une évaluation globale du niveau scolaire de ces jeunes. Nous encourageons bien entendu la passation de diplômes et de certifications, comme pour les adultes. La difficulté majeure que nous rencontrons est d'assurer un suivi effectif des jeunes, y compris à l'issue de la détention, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. Or, le suivi par les enseignants est fondamental et il leur appartient de connaître les ressources qu'ils peuvent mobiliser, en particulier leurs homologues de l'enseignement adapté et les psychologues de l'éducation nationale. Ces derniers jouent un rôle très important et leur intervention est systématique en milieu pénitentiaire.

La coopération avec la PJJ est fructueuse, si bien que nous travaillons à de nouvelles formes de coopération, par exemple en matière d'orientation pour promouvoir les métiers de la justice. Je connais moins bien la coopération avec les services psychiatriques dans le cadre des unités d'enseignement hospitalières ; l'éducation nationale y assure le traitement et l'inspection des enseignants qui y exercent.

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