Intervention de Sophie Bouttier-Veron

Mission d'information réinsertion des mineurs enfermés — Réunion du 6 juin 2018 à 16h00
Audition de Mme Sophie Bouttier-veron vice-présidente du tribunal pour enfants de marseille en charge du milieu fermé vice-présidente de l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille afmjf

Sophie Bouttier-Veron :

Il s'agit de prévoir deux audiences de jugement : au cours de la première audience, le tribunal se prononce sur la culpabilité de la personne présentée et sur les demandes de dédommagement des parties civiles, qui sont ainsi traitées plus rapidement ; c'est seulement au cours d'une deuxième audience, tenue plusieurs mois plus tard, que le tribunal décide de la peine. L'idée est séduisante mais elle se heurte à des problèmes concrets : nous manquons de visibilité sur nos agendas et il n'est pas simple d'organiser une deuxième audience six ou huit mois après la première. En outre, certains collègues estiment que ce serait une erreur de se prononcer immédiatement sur la culpabilité du mineur ; en effet, il arrive souvent que le mineur ne reconnaisse pas sa culpabilité lors de la première audience mais qu'il la reconnaisse lors du jugement grâce au travail éducatif réalisé entre-temps. Il est important de laisser au jeune le temps de travailler sur son rapport à l'acte de délinquance afin de le responsabiliser.

Toujours au titre d'éventuelles retouches à apporter à l'ordonnance de 1945, je m'interroge sur les sanctions éducatives, créées en 2002 pour des mineurs âgés d'au moins dix ans, et qui ne sont à ma connaissance presque jamais utilisées. Elles avaient été conçues à partir de l'idée d'un rajeunissement de la délinquance des mineurs, qui n'est pas vérifié dans les statistiques. L'entrée dans la délinquance coïncide, en réalité, avec l'entrée dans la puberté. J'ajoute que les sanctions éducatives ne peuvent être prononcées que par le tribunal pour enfants, ce qui ne me paraît pas adapté : pour des enfants si jeunes, une audience de cabinet, en présence des parents et des éducateurs, est plus appropriée afin d'examiner leur situation en détail.

Vous m'interrogiez aussi sur l'intérêt des EPM. Au vu des rapports de la Contrôleure générale des lieux de privation des libertés, les pratiques sont diverses d'un établissement à l'autre, ce qui est d'ailleurs aussi le cas pour les centres éducatifs fermés. Je peux vous parler de l'EPM de La Valentine que je connais bien. Il présente une dynamique intéressante entre l'administration pénitentiaire et la PJJ, avec une volonté de nouer la sanction et l'éducatif et une attention portée à la préparation à la sortie. Des moyens importants sont alloués dans le domaine scolaire, sportif ou de l'éducation civique. Des permissions de sortie sont accordées ; récemment un jeune est sorti pour visiter le Camp des Milles, qui était un camp d'internement et de déportation pendant la seconde guerre mondiale, dans le but de le sensibiliser à la citoyenneté et à l'égalité. À l'EPM, les jeunes sont pris en petits groupes, notamment au niveau scolaire. Souvent, ces jeunes n'avaient jamais bénéficié d'une telle attention. Certes, l'enfermement ne doit pas durer trop longtemps, car il n'offre pas des conditions d'éducation optimales, mais il peut être un moment fructueux si des moyens appropriés y sont consacrés. Vous me permettrez de regretter la disproportion entre les moyens consacrés à l'accompagnement du mineur une fois celui-ci enfermé et les moyens qui auraient pu être consacrés, préalablement, à ce qu'il ne commette aucun délit...

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