J'aborderai, dans un premier temps, le secteur de l'énergie qui connait de très profonds changements amorcés par le défi terrible du réchauffement climatique et la prise de conscience des conséquences des émissions de gaz à effet de serre. La transition énergétique est mondiale et irréversible, en raison de ses effets positifs. En dépit de certains actes politiques récents, les chiffres démontrent la convergence internationale des efforts dans ce domaine.
Le coût des nouvelles technologies décarbonées, auparavant considéré comme rédhibitoire, a chuté : celui de l'énergie solaire, reposant sur les progrès de la technologie du silicium, a été divisé par dix en dix ans. Bien que basée sur des technologies plus traditionnelles, l'énergie éolienne suit la même tendance, du fait de la massification des investissements. Il y a là un changement de paradigme qui va conduire à ce que les énergéticiens ont l'habitude d'appeler la « parité réseau ».
Ces technologies sont également souples d'emploi ; leur miniaturisation s'avère aisée et permet de résoudre les problématiques d'accès à l'énergie dans les zones non desservies par les réseaux d'énergie traditionnels, comme en Asie du Sud-Est ou en Afrique - je rappelle qu'1,2 milliard de personnes dans le monde n'ont pas accès à l'énergie. Dans nos pays industrialisés, où l'atmosphère des grandes villes est parfois irrespirable, ces nouvelles technologies permettent aussi d'améliorer la situation, notamment dans le domaine des transports.
Les pays émergents sont devenus les principaux promoteurs des énergies renouvelables. Ils disposent désormais de gisements énergétiques locaux qui ne les condamnent plus à la dépendance énergétique et leurs cibles d'énergies renouvelables dans le mix énergétique sont souvent supérieures à celles de pays plus développés.
Chaque acteur joue cette transition énergétique avec ses cartes. Plutôt que de jouer la fin de cycle, Engie avait tous les éléments en main pour se positionner comme leader de ce mouvement, en s'appuyant sur ses atouts : ses services à l'énergie, d'une part, avec 150 000 collaborateurs dont 100 000 sont occupés, non pas à produire de l'énergie, mais à accompagner nos clients pour les aider à consommer moins, ce qui pourrait sembler paradoxal ; et sa présence dans le gaz et les énergies renouvelables, d'autre part, qui feront le mix de demain.
À l'avenir, nos clients concentreront leurs investissements sur deux points. Le premier portera sur la baisse de leurs propres consommations. En moyenne, il est possible de réduire la consommation énergétique d'un bâtiment de 30 % à 40 %, voire de lui faire produire de l'énergie lorsque c'est économiquement viable au point de viser, dans certains cas, une passivité énergétique..
Le second flux d'investissement concerne le remplacement des capacités d'énergie carbonées par des énergies non carbonées. Engie est en mesure d'y répondre grâce à ses positions fortes dans les renouvelables et dans le gaz, qui est un facteur décisif pour compenser l'intermittence des renouvelables.
Il y a trois ans, nous avons fait le choix, mûrement réfléchi, de nous positionner sur ces deux sujets : aider nos clients à repenser leur infrastructure de consommation et se spécialiser dans cette capacité à apporter l'énergie résiduelle dont le contenu carbone tendra vers zéro de manière très progressive. Je suis toujours frappée de voir que les débats énergétiques se focalisent sur l'électricité et oublient les autres énergies. Nous sommes convaincus que le mix gaz et énergies renouvelables sera le bon dans les années qui viennent, et nous pensons aussi que nous serons capables, dans un deuxième temps, de rendre le gaz renouvelable. En effet, celui-ci devrait profiter de l'abaissement des coûts de l'hydrogène, du biogaz et du gaz de synthèse, lesquels amorcent une courbe de prix similaire à celle de l'électricité renouvelable.
On nous reproche souvent de ne pas investir parce que nous n'achèterions pas d'entreprises ; c'est d'abord inexact car nous avons acquis quarante-trois entreprises durant ces deux dernières années, pour parfaire notre positionnement dans certains secteurs. Surtout, Engie n'est pas une banque et a pour vocation de faire sortir des usines de terre. Notre plan d'investissement de 14,3 milliards d'euros, qui arrive à son terme, vise à construire des usines, étendre nos réseaux de gaz et rendre plus efficaces les infrastructures de consommation de nos clients. En guise d'illustration de notre positionnement, j'évoquerai le contrat qui vient d'être signé avec l'Université de l'Ohio, pour une durée de cinquante ans, et qui concerne à la fois la maintenance et la modernisation de l'ensemble des réseaux, y compris celui de la surveillance, sur lesquels transite l'énergie, de ce campus qui rassemble près de 100 000 personnes, compte 480 bâtiments, des écoles, un hôpital ou son propre système de transport. Nos engagements de performance sont extrêmement élevés : l'investissement de 1,5 milliard de dollars dans les infrastructures du site devrait réduire d'un quart la consommation énergétique de ce site en dix ans, avant de conduire à d'ultérieures réductions par tranche. Ce contrat traduit un changement de paradigme dans ce domaine : alors que l'on avait pour habitude de passer des appels d'offres en silos, les collectivités, à l'échelle internationale, privilégient désormais une vision globale de leurs consommations énergétiques afin d'en réduire à la fois les émissions de gaz à effet de serre et le coût.
La France représente un pays essentiel pour Engie avec 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 6 milliards d'euros d'achats auprès de prestataires locaux et 72 000 collaborateurs. Nous embauchons en France 8 000 personnes par an, dont 4 000 contrats à durée indéterminée. La capacité que nous avons d'y avoir une vision de l'avenir et d'anticiper cette mutation énergétique, en faisant en sorte que nos collaborateurs y prennent une part active, est essentielle.