Monsieur le ministre, je partage bien entendu les mêmes inquiétudes que mes deux collègues : notre agriculture perd des places sur le podium européen. Les agriculteurs sont depuis longtemps habitués au régime de la douche froide. Ce texte va globalement dans le bon sens, mais si l'on ne veut pas qu'il demeure un recueil de voeux pieux, il faudra l'accompagner de mesures fortes, avec un engagement de l'État et des collectivités.
L'article 11 apparaît ambitieux : 50 % de produits qualité, dont 20 % issus du bio. Cela semble difficilement réalisable, mais cela va dans le bon sens. Il faut donc tenir le cap, même si l'on n'est pas sûr d'y parvenir. Cela permettra d'accompagner la transition de certains agriculteurs vers le bio et d'augmenter la surface agricole utile. Si l'on arrive à 15 %, ce sera très bien.
Nous soutiendrons donc cet article, même si l'on souhaite qu'il soit accompagné de mesures fortes et d'engagements financiers, car on a beau le tourner dans tous les sens, il y aura un surcoût pour les gestionnaires de restaurants. En moyenne, un produit végétal bio représente 25 % de plus. Pour un produit carné, on arrive à 50 %. On peut tabler sur une augmentation de 30 % des approvisionnements, même si, avec le gaspillage, on arrive à corriger ces effets.
Un autre point nous a heurtés. Vous avez l'intention de créer dès cet été une nouvelle structure, le Conseil national de la restauration collective. Or le projet de loi est silencieux sur ce point important, ce que nous déplorons.
Pouvez-vous nous indiquer tout d'abord, pourquoi il ne figure pas dans le texte, ce qui aurait permis à la représentation nationale d'en débattre ? Qu'en sera-t-il de cette nouvelle structure ? A-t-elle vocation à remplacer le Conseil national de l'alimentation ? Quelle sera sa composition ? Les élus locaux et les associations y auront-ils leur place ?
Sur les phytosanitaires, l'objectif de diminution fonctionne bien. Des progrès ont été réalisés, avec des pistes intéressantes à propos de certains épandeurs intelligents, équipés de microcaméras, de meilleurs conseils pratiques, un guide pratique des bons usages. Je crois que ceci va dans le bon sens.
Attention toutefois, dans l'euphorie, à ne pas chercher à arriver à zéro produit phytosanitaire, comme on l'a fait pour les communes. Il y a une grande différence entre les communes et l'agriculture intensive. Il est nécessaire - et nous en parlions hier avec l'ANSES - de conserver une pharmacopée suffisante. Il y aura toujours des maladies fongiques, bactériennes, des insectes : ne nous démunissons pas trop et gardons quelques armes, qui sont indispensables !
S'agissant de l'article 15 et de la moralisation des pratiques commerciales, j'ai un peu de mal à comprendre. Je suis d'accord avec le système des ordonnances pour séparer les activités de vente et de conseil, encadrer ou supprimer les remises, les ristournes, les rabais. Ce qui me gêne, c'est que cela risque de retomber comme toujours sur les agriculteurs, sur qui les remises étaient répercutées. Cela représente pour eux un surcoût.
Par ailleurs, qui va exercer les activités de conseil ? Selon le directeur général de l'alimentation, les agriculteurs devront en financer environ 400 millions d'euros. On ne sait qui seront ces conseillers ni la formation qu'ils recevront.
Par ailleurs, ils ne disposent pas d'une structure comme la Haute autorité de santé qui pourrait leur délivrer des informations. Ils devront peut-être solliciter les laboratoires pour ce faire. Où place-t-on le curseur entre information et publicité ? Cela me paraît assez flou et dangereux pour les agriculteurs.
Nous aimerions obtenir davantage de précisions sur ce système, dont ne voit pas très bien comment il va se mettre en place.