Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 juin 2018 à 10h00
Proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations — Table ronde avec les responsables de l'information de france télévisions m6 cnews france 24 europe 1 et franceinfo

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

La législation actuelle offre déjà beaucoup de possibilités. Pierre Ouzoulias nous a rappelé la définition juridique de la diffamation. De même, l'article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse sanctionne la publication, la diffusion ou la reproduction de « nouvelles fausses ». On aurait pu envisager de modifier la loi de 1881, les « fausses informations » d'aujourd'hui étant les « nouvelles fausses » de l'époque. Mais le risque de déstabilisation d'un édifice législatif qui a fait ses preuves depuis plus d'un siècle est tel qu'on a préféré le contourner... La proposition de loi relative aux fausses informations est un texte qui ne sert rien et qui peut même être dangereux. Je ne vois pas comment il va permettre de lutter contre les fausses informations. De plus, il ne permettra pas de lutter contre certains dysfonctionnements ou dérives du système médiatique. Que ferait-elle par exemple d'une information telle que celle relative à ce fait divers particulièrement affreux qui avait eu lieu la veille du premier tour de l'élection présidentielle de 2002 et qui avait fait l'objet d'un véritable matraquage médiatique au point, peut-être, de modifier le résultat du scrutin ? De même, du cas d'une information importante pour le grand public qui ne serait pas relayée par un organe de presse parce qu'elle met en cause un de ses actionnaires ?

Le texte, dans sa rédaction actuelle, prévoit que le juge disposera de 48 heures pour faire cesser la diffusion d'une fausse information. Cinq critères doivent être réunis pour cela, ce qui, à mon sens, va conduire le juge à se prononcer très rarement parce que celui-ci adoptera la prudence. J'y vois un danger : que toutes les informations qui passeront entre les mailles du filet du juge soient crédibilisées du fait qu'elles n'ont pas été attaquées !

J'identifie un autre danger. Nos démocraties sont fragiles : quelle utilisation un pouvoir autoritaire qui ne garantirait plus l'indépendance de la justice ferait-il de cette loi ?

Je suis d'accord avec les mesures concernant la régulation des contenus disponibles sur Internet par le CSA ou l'éducation aux médias mais celles-ci peuvent être intégrées à la future loi audiovisuelle. Au final, j'estime que cette proposition de loi n'est pas amendable et doit être rejetée.

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