Sur la question de la labellisation, Reporters sans frontières n'est pas du même avis. Notre idée est de créer un référentiel, qui travaillerait avec le comité européen de normalisation, l'ISO européen, sur les critères de l'indépendance éditoriale, la transparence des médias, le respect des méthodes journalistiques en matière de vérification et de correction et des règles déontologiques. Un secteur économique de la certification existant déjà, celui-ci pourrait établir une « liste blanche », ainsi utilisée par tous ceux qui ont une influence, même extérieure, sur les médias, non pas pour faire peser un poids supplémentaire sur des médias - qui en ont déjà assez -, mais pour distinguer précisément entre ceux relevant du journalisme, ou de la publicité, du journalisme dévoyé ou de la propagande politique. Il faudrait ensuite apporter à ceux qui présentent ces garanties, des avantages concrets, qui ne seraient pas un label public, mais qui amèneraient les plateformes et les moteurs de recherche à mieux les référencer. Nous avons réussi, dans cette logique, à inclure Google, Facebook ainsi que la fédération mondiale des annonceurs.
Par ailleurs, il nous faudrait éviter de faire l'erreur qui consiste à nous enfermer dans la même bulle, puisque nous lisons et écoutons à peu près tous les mêmes médias. Pourtant le champ d'information n'est pas le champ des médias. Il est incomparablement plus large. Le grand sujet, ce sont les plateformes. Celles qui existaient auparavant avaient un cadre juridique cohérent qui permettait de distinguer la publicité des contenus journalistiques. Aujourd'hui, il n'existe plus. Que faut-il donc demander aux plateformes ? À notre sens, l'idée d'un troisième statut est largement préférable, à savoir ni hébergeur, ni éditeur. Elles ne doivent pas devenir des rédacteurs en chef. En revanche des garanties méritent d'être appliquées aux plateformes, en matière de neutralité politique ou de transparence. Il y a également un travail à faire sur ce qui relève de l'exception à la liberté de l'expression, par exemple la pédopornographie ou le djihadisme, à savoir comment les plateformes peuvent effacer les données sans qu'elles ne prennent la place du juge.
Le sujet principal de la présente loi est la désinformation et l'atteinte aux processus électoraux. Il est différent du sujet général des conditions du débat dans l'espace public aujourd'hui et de l'équilibre juridique. Il faut veiller impérativement, dans le cadre de la procédure de référé, à ce que la charge de la preuve revienne bien au juge.
Enfin, si l'éducation aux médias peut être utile, elle ne résoudra pas les problèmes de l'espace public.