Merci à vous tous de vos appréciations.
Je veux être rassurant sur le système actuel dit « des bandelettes » : même s'il peut paraître « rétro », il fonctionne et ne pose aucun problème de sécurité, en particulier, par définition, de problème de cybersécurité...
La DGAC a tendance à toujours rajouter des spécifications sur les futurs projets à mesure que grandissent les préoccupations liées à la cybersécurité. Cela oblige alors à décaler la mise en service des programmes. C'est du reste l'un des arguments mis en avant dans la négociation avec Thalès au sujet du programme 4-Flight. On ne peut pas nier que la sécurité reste la préoccupation majeure de la DGAC. Du coup, elle prend beaucoup de temps pour apporter la moindre modification. D'où les retards de ses programmes de modernisation.
Vous me direz que, ailleurs, ces questions ont été réglées. Il est vrai qu'à force de procéder à des implants sur des logiciels maison, le risque est de provoquer des difficultés...
Acheter des produits « sur étagère » plutôt que faire du « cousu main » ? Je me suis posé la question lorsque j'ai visité le centre de Maastricht. Il y a bien sûr des intérêts industriels important qui sont en jeu : opter pour des solutions étrangères peut entraîner certaines difficultés et implanter un système extérieur au système déjà en service n'est pas simple non plus.
La DGAC a lancé ses projets, elle continue sur sa lancée. Sans doute un autre choix aurait-il pu être fait plus tôt, mais au point où l'on en est, il faut sans doute aller jusqu'au bout. Soit le système avec Thalès fonctionnera, soit il ne fonctionnera pas. Auquel cas il faudra envisager une révolution complète. Thalès me paraît faire des efforts dans une relation commerciale compliquée. Ceci étant dit, il s'agit là d'une partie de ping-pong classique entre un industriel et une administration.
Les équipes de la direction générale de l'armement que nous avons rencontrées ont une autre façon de challenger les industriels, plus opérationnelle que celle de la DGAC. Celle-ci a passé trop de temps à développer un système mixte et quand elle demande à un industriel de développer un programme, elle s'en réserve certaines parts, ce qui implique moult échanges et une multiplicité des équipes.
En résumé, l'achat « sur étagère » est compliqué en raison des spécifications particulières liées au trafic, qui est complexe chez nous. Adopter un système complet de type Maastricht sans procéder à des ajustements n'était guère envisageable.
En outre, la DGAC n'est pas challengée. Elle a trois missions : le contrôle aérien, assuré par la DSNA, les activités de certification, assurées par la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC), et la régulation du transport aérien, assurée par la direction du transport aérien (DTA). Le fait que ces différentes missions, assurées par des entités différentes chez la plupart de nos partenaires européens, relèvent toutes de la DGAC fait qu'elle se contrôle et se régule elle-même. À la séparation fonctionnelle qui existe en France, la Commission européenne préfère une séparation structurelle, à savoir un régulateur à part et un certificateur à part.
Entendez-moi bien : je ne dis pas que le système actuel ne répond pas aux exigences du droit européen, mais tout simplement que si les missions de régulation et de certification étaient complètement séparées du contrôle aérien, on aurait peut-être réussi à répondre à la question de la modernisation des systèmes de la navigation aérienne plus tôt et mieux. Le fait que notre commission des finances se soit intéressée au sujet a eu quelques vertus en créant une certaine pression. Mais nous arrivons un peu tard.
La grande ambition de départ du Ciel unique européen était de créer des centres de contrôle en-route européens. Finalement, à l'exception du centre de Maastricht, géré par l'organisation internationale Eurocontrol et qui couvre l'espace aérien supérieur des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et du nord de l'Allemagne, ces centres européens n'ont pas vu le jour, les États estimant que cette activité relevait de leur souveraineté. Résultat : les États-Unis comptent 23 centres en-route, contre 63 en Europe, ce qui entraîne des surcoûts.
Au passage, j'indique que les contrôleurs de Maastricht sont des fonctionnaires européens, mieux payés que les nôtres et plus productifs. Cela s'explique en partie par l'organisation de leur temps de travail. De même, là-bas, les techniciens et les contrôleurs travaillent ensemble, ce qui crée de l'émulation. Enfin, être l'unique centre européen fait peser sur eux des obligations de productivité. Pour autant, ils ont connu des réductions d'effectifs, ce qui a eu des incidences sur la gestion du trafic.
En ce qui concerne l'organisation internationale Eurocontrol, je souhaitais rappeler, qu'outre la gestion du centre de Maastricht, elle fait un travail de distribution du trafic et a donc un rôle d'unification du ciel européen. Quand des restrictions sont nécessaires, cet organisme essaie de faire en sorte qu'elles soient réparties au niveau européen.
Pour répondre à la question du président, il est vrai qu'aujourd'hui, en cas de panne, on sait gérer le trafic d'un pays à l'autre, mais les capacités sont fortement limitées.
Le retard technologique procède-t-il d'une volonté, pour répondre à Jean-Claude Requier ? Évidemment non ! En raison de la crise du transport aérien survenue au début des années 2000, les budgets d'investissement ont été réduits pendant quelques années, ce qui a fait perdre du temps.
J'ajoute que certaines générations de contrôleurs ont été par le passé réticentes à abandonner le système des bandelettes, par peur d'être déstabilisées. Mais les mentalités évoluent et les contrôleurs aériens actuels sont maintenant particulièrement demandeurs.
Au total, le véritable problème tient au fait que le système n'est pas challengé.
S'agissant des grèves, on considère toujours que 50 % du personnel sera présent compte tenu des règles en matière de réquisition. Mais le résultat est celui que je l'ai décrit... C'est pourquoi je propose d'étendre les dispositions de la loi Diard aux contrôleurs.
Pour répondre à Philippe Dominati, les contrôleurs sont sous un statut de droit privé en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. Mais j'ai cité le contre-exemple du centre de Maastricht. La question est surtout celle de la productivité et de l'« agilité » des contrôleurs. À Maastricht, les horaires de travail des contrôleurs sont ajustables à l'heure près, tandis que chez nous le mode d'organisation est beaucoup plus lourd. Cette flexibilité est sans doute ce vers quoi il faut tendre en engageant un dialogue social. En gros, il faudrait mobiliser les équipes davantage pendant les vacances d'été et moins l'hiver. Faut-il payer davantage les contrôleurs pour améliorer la situation ? Je n'irai pas jusque-là. Leur niveau de rémunération est certes élevé, mais il n'est pas exceptionnel par rapport à leurs collègues européens.
Pour répondre à Dominique de Legge, nous avons exploré les liens avec la sphère militaire. Le militaire qui avait été désigné pour nous répondre ne nous a rien dit, ce qui était légitime. Pour des raisons militaires bien compréhensibles, il arrive que le trafic aérien soit limité dans certaines zones. Certains pays, l'Australie étant le dernier en date, ont mis en place un contrôle unifié, ce qui n'est pas envisagé à l'heure actuelle en France.
Sébastien Meurant m'a interrogé sur les effectifs des contrôleurs aériens : ils sont 4 000, dont 3 500 dans les centres de contrôle. Leurs temps de travail hebdomadaire est de 32 heures, soit 1 420 heures annuelles, moins que les fameuses 1 607 heures effectuées par les salariés de droit commun, mais cela s'explique pour des raisons de sécurité. La priorité demeure l'adaptation du temps de travail aux variations de trafic intrajournalières et à la saisonnalité. Cette adaptation a été mise en oeuvre dans certains centres, où elle fonctionne, mais les règles se discutent centre par centre malheureusement. Celui d'Aix-en-Provence bloque.
Sur les nuisances sonores, je peux répondre à Arnaud Bazin que plus la technologie est évoluée, mieux on sait suivre les avions. Aujourd'hui, c'est le contrôleur qui donne les instructions ; demain, il pourra réellement vérifier par voie électronique si son instruction a été bien comprise. La descente en continu bute-t-elle sur des contraintes technologiques ? Je l'ignore.
Sur la chaîne de décisions, mon rapport essaie de contribuer à l'audit. En reprenant les plans annuels de performance annexés aux projets de loi de finances, nous avons pu mesurer les capacités de contournement de l'administration ou sa faculté à noyer le poisson. On voit bien que les échéances ont été repoussées et les budgets augmentés. Certes, il existe des raisons, mais il s'agit bien in fine d'une gabegie. L'État aurait dû tirer la sonnette d'alarme plus tôt, ce que nous faisons nous-mêmes avec ce rapport. Cette administration compte en son sein des gens de très haut niveau, mais dans le domaine technologique, nous sommes à la traîne parmi les pays européens. La DGAC ne peut pas continuer à se contrôler elle-même.
Christine Lavarde m'a interrogé sur les systèmes de sécurité. Un travail interministériel est mené sur cette question et les ingénieurs de la DTI, au sein de la DGAC, sont très au fait de ce sujet. Ils veillent aussi à la robustesse de leurs systèmes de communications, comme les radars. Mais je ne suis pas entré dans le détail de cet aspect de sécurité puisque notre rapport s'attachait surtout aux questions budgétaires. C'est néanmoins souvent cet argument de cybersécurité qui est mis en avant pour expliquer l'absence d'avancées dans d'autres domaines.
Jean-Marc Gabouty a parlé de la nécessité pour cette administration de se moderniser. Elle n'est pas parvenue à opérer la rupture technologique nécessaire, tandis qu'une autre se profile à l'avenir avec la révolution numérique en cours. Entre-temps, il faut moderniser l'outil, et le but de ce rapport est précisément d'inviter la DTI à agir dans ce sens. Certains ingénieurs n'ont pas envie de s'installer à Toulouse, ce qui fait que certains recrutements sont plus liés à des considérations géographiques qu'à la volonté d'être à la pointe de la technologie.
Thierry Carcenac m'a interrogé sur les coûts. Je vous renvoie au rapport. J'ai cité tout à l'heure le chiffre de 2,1 milliards d'euros d'investissements. Tout n'a pas échoué, certains programmes fonctionnent bien, mais on n'est pas parvenu à moderniser le système Cautra.
Le système stripless (Erato) a été mis en place à Brest, puis à Bordeaux. La bascule du système de bandelettes vers un système électronique nécessite un temps de formation et implique pendant quelques semaines des restrictions de vol. À Brest, les contrôleurs ont vécu des moments difficiles. À Bordeaux, les choses se sont mieux passées. Au total, la bascule a occasionné un retard dans le trafic d'une durée équivalente à celle d'un jour de grève. La DGAC pourrait envisager une généralisation d'Erato. Normalement, les centres d'Athis-Mons, de Reims et d'Aix-en-Provence devaient basculer directement sur 4-Flight, mais il y a eu du retard. Peut-être cela nécessitera-t-il une rallonge budgétaire ; nous aurons la réponse dans le prochain projet de loi de finances.
Enfin, je veux rassurer Claude Raynal : l'humain ne va pas disparaître. Le contrôle aérien est basé sur le contrôle humain et sur le dialogue entre les aiguilleurs du ciel et les pilotes. La sécurité est et restera la préoccupation principale des services de la navigation aérienne.