Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 juin 2018 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations sur projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, co-rapporteure :

Mes chers collègues, je vais vous présenter la démarche qui a guidé l'élaboration de notre rapport et rappeler la façon dont nous avons travaillé pour aboutir aux conclusions que nous vous présentons aujourd'hui.

Première remarque : il était nécessaire que la délégation soit saisie du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes par la commission des lois. C'est une étape particulièrement importante de cette session, car - c'est une évidence - les violences faites aux femmes constituent pour nous une préoccupation constante. Mais c'est encore plus vrai cette année.

Il faut en effet rappeler que, dès sa première réunion, le 9 novembre 2017, la délégation a souhaité apporter sa contribution au débat suscité par deux décisions de justice, très médiatisées, concernant des violences sexuelles dont avaient été victimes deux petites filles de onze ans.

Ce travail s'est inscrit dans un contexte international qui voyait une libération de la parole des femmes, avec le mouvement Metoo, portant au grand jour l'ampleur du sexisme et des violences sexuelles. Quand Geneviève Fraisse disait alors : « Les femmes ont pris la parole », elle établissait un parallèle éclairant avec la prise de la Bastille. Elle parlait d'une révolution !

Je rappelle que avons souhaité aborder les problématiques liées à ce débat sans limiter notre approche aux violences commises sur des mineures, qui était celle de la commission des lois, mais en étendant notre analyse à tout le spectre des violences faites aux femmes. Il nous semblait en effet que les violences sexuelles sur mineurs pouvaient difficilement être appréhendées de façon indépendante des autres violences faites aux femmes qui, faut-il le rappeler ici, ne sont pas des actes isolés, mais font partie d'un continuum inhérent au patriarcat...

Du mois de novembre au mois de mai, nous avons donc entendu un grand nombre d'expertes et d'experts sur les violences faites aux femmes : violences conjugales, sexuelles, intrafamiliales, harcèlement sexuel, violences en ligne...

Ce travail a abouti mardi 12 juin à l'adoption d'un rapport d'information sur les violences, intitulé Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, émanant d'un groupe de travail pluripartisan représentant la diversité politique du Sénat. Vous le savez, cette approche transpartisane est un peu une « marque de fabrique » de notre délégation, car nous l'avons expérimentée pour de nombreux rapports. Elle permet de garantir que les conclusions de la délégation reflètent le consensus le plus large, sans jamais tirer vers le plus petit dénominateur commun, mais au contraire en élevant le débat.

Les auditions multiples auxquelles nous avons procédé depuis le mois de novembre dans ce cadre nous ont permis d'élaborer une position sur la question particulièrement complexe du traitement pénal des violences sexuelles commises sur des mineurs par des personnes majeures.

Je dois dire que nos positions ont évolué au fil des auditions et de nos échanges de vues, au cours d'une longue maturation de notre réflexion.

Nous avons voulu adopter la même approche pluraliste en ce qui concerne l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Nous avons ainsi désigné un groupe de travail composé de six co-rapporteurs, pour valoriser le travail collectif de la délégation et renforcer ses positions lors de la discussion en séance publique. Ont donc été désignés Annick Billon pour le groupe centriste, Laure Darcos pour le groupe Les Républicains, Françoise Laborde pour le groupe RDSE, Laurence Rossignol pour le groupe socialiste, Noëlle Rauscent pour le groupe LaRem et moi-même pour le groupe CRCE.

De surcroît, dans le souci de valoriser au mieux les travaux du Sénat dans le cadre de la navette parlementaire, nous avons entendu, le 31 mai, Marie Mercier, auteure du rapport d'information du groupe de travail de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises contre les mineurs, et rapporteure du projet de loi, qui nous a présenté les principales conclusions de son rapport Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles, et la proposition de loi qui en a résulté.

Nous avons également entendu, le 11 juin, les deux ministres avec nos collègues de la commission des lois.

De plus, nous avons auditionné le 7 juin les représentants du Conseil français des Associations pour les droits de l'enfant (COFRADE), qui avaient des remarques sur l'article 2 du projet de loi, puis le 12 juin Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'Égalité (HCE) - interlocutrice incontournable de notre délégation.

Enfin, nous entendrons la semaine prochaine Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, qui nous présentera leur apport à la discussion du texte. Les positions des deux délégations sont, en principe, assez convergentes sur la question du seuil d'âge.

Pour conclure, je souligne que, même si le rapport d'information que nous avons adopté mardi et le rapport sur lequel nous allons nous prononcer ce matin sont deux exercices distincts, il y a indéniablement des correspondances et une cohérence d'ensemble entre eux.

Ainsi, plusieurs des recommandations que nous avons formulées dans le rapport d'information sur les violences trouvent un aboutissement dans le rapport sur le projet de loi, qui fait des propositions pour enrichir le texte issu des débats de l'Assemblée nationale. Celles-ci pourront être traduites sous forme d'amendements au projet de loi lors de la discussion de celui-ci.

Je pense en particulier à notre recommandation visant à la création, dans le code pénal, d'une infraction spécifique qui sanctionnerait toute relation sexuelle avec pénétration entre une personne majeure et un-e mineur-e de treize ans. Je pense aussi à notre proposition visant à proposer une nouvelle formulation des dispositions du code de l'éducation qui concernent l'éducation à la sexualité et la sensibilisation à l'égalité.

Laurence Rossignol et Françoise Laborde vous présenteront plus en détail nos propositions pour améliorer et enrichir le projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion