Je vais vous présenter les convergences existant entre le rapport de la délégation sur les violences faites aux femmes et le rapport du groupe de travail de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs, qui a débouché sur la proposition de loi dite « Bas-Mercier » adoptée le 27 mars dernier par le Sénat7(*).
Ces points de convergence tiennent aussi bien aux objectifs de nos travaux qu'aux constats et recommandations qui en ont résulté.
Bien sûr, nous avons un objectif commun, celui de protéger au mieux les enfants et d'entendre la parole des victimes. Dans cet esprit, il faut noter une convergence importante en ce qui concerne l'allongement des délais de prescription pour les mineurs victimes d'infraction sexuelle, que nos collègues de la commission des lois sont d'avis de porter à trente ans à compter de l'âge de la majorité de la victime. Cette évolution avait émergé des travaux de la Mission de consensus co-présidée par Jacques Calmettes et Flavie Flament, dont notre collègue Laurence Rossignol avait pris l'initiative quand elle était ministre. Une telle disposition, qui n'était pas gagnée d'avance, paraît désormais recueillir un très large consensus. Elle permettra aux victimes de porter plainte jusqu'à l'âge de 48 ans révolus au lieu de 38 ans.
De surcroît, nous avons adopté des démarches symétriques en analysant le continuum des violences et en soulignant l'importance de l'amélioration des connaissances statistiques, qu'il s'agisse des violences faites aux enfants ou de celles faites aux femmes. Il existe de nombreux chiffres dans ce domaine, qui émergent souvent de sondages et ne sont donc que des estimations. Or ce sujet mérite une approche scientifique, comme celle de l'enquête Virage.
En ce qui concerne les constats, le rapport de la commission des lois s'émeut de l'expansion des violences qui, facilitées par l'accès à Internet, menacent tout particulièrement les jeunes. Il souligne aussi le danger que constitue l'exposition des enfants et adolescents à des vidéos pornographiques. Cela rejoint largement les constats dressés par la délégation au moment de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, qui s'était intéressée à cette question. Malheureusement, les constats établis par nos collègues il y a quatre ans restent d'actualité aujourd'hui.
En outre, nous sommes d'accord avec la commission des lois sur le caractère « perfectible » des procédures judiciaires pour les victimes (délais excessifs, correctionnalisation, engorgement des juridictions en lien avec le manque de moyen de la justice).
Au-delà de ces constats consensuels, nous avons relevé des pistes d'évolution communes à nos travaux :
- Premièrement, s'agissant des actions à mener pour faciliter le dépôt de plainte et améliorer l'accompagnement des victimes, nous nous rejoignons sur le fait de permettre aux victimes de réaliser des prélèvements indépendamment du dépôt de plainte, sur l'aménagement de salles dédiées pour l'audition des victimes (inspirées des salles Mélanie) ; sur l'importance de la formation des professionnels ; sur une meilleure information concernant les procédures de réparation financière ; ou encore sur la nécessité de renforcer l'offre de soins dans le domaine du psycho-trauma, car l'accompagnement psychologique est crucial pour la reconstruction des victimes.
- Deuxièmement, en ce qui concerne la prévention des violences par l'éducation, dès le plus jeune âge : nos collègues des lois, comme la délégation, attachent une grande importance au respect de l'obligation légale d'éducation à la sexualité. Comme nous, ils recommandent une application effective du code de l'éducation à cet égard, qui prévoit au moins trois séances par an, dans toutes les classes, comme le fait notre recommandation n° 21.
- Troisièmement, pour mieux prendre en compte le harcèlement sexuel en ligne, notre rapport, comme celui de la commission des lois, préconise d'ajouter aux circonstances aggravantes du harcèlement sexuel, prévues par l'article 222-33 du code pénal, les faits commis à l'aide d'un réseau de communication électronique. La recommandation n° 15 tire les conséquences de ces propositions.
Au-delà de ces propositions convergentes, le groupe de travail des lois a suggéré des pistes d'évolution qui nous paraissent dignes d'être soutenues, même si elles ne figurent pas en tant que telles dans nos recommandations. Je pense à l'élargissement de la surqualification pénale d'inceste aux actes commis entre personnes majeures (actuellement, la surqualification ne concerne que les faits commis par une personne majeure sur un mineur), aux recommandations relatives à l'aggravation des peines encourues par les auteurs d'infractions sexuelles, à leur souci de renforcer les moyens de la justice et de la police.
Pour conclure, il nous paraît important de souligner que la proposition de loi de nos collègues Philippe Bas et Marie Mercier, qui traduit les recommandations formulées dans leur rapport, fait preuve d'une plus grande ambition que le texte du Gouvernement. En effet, elle ne se limite pas au volet répressif, mais comporte également un volet entier réservé à la prévention et à la formation, car il s'agit d'une loi d'orientation et de programmation.
Ce volet constitue à notre avis une plus-value indéniable de ce texte par rapport au projet de loi du Gouvernement. Il nous paraît important que ces apports du Sénat soient valorisés dans le cadre de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. C'est l'objet de la recommandation n° 20.
Je cède la parole à Laure Darcos.