Je vais vous présenter les principaux apports de l'Assemblée nationale au projet de loi. Il s'agit des dispositions dont notre délégation peut demander le maintien dans le cadre de la discussion au Sénat.
Je voudrais rappeler que nos collègues députés ont parfois repris à leur compte certaines initiatives sénatoriales. On peut s'en féliciter, tout en regrettant qu'ils n'en mentionnent pas l'origine...
Un point fait consensus, comme l'a souligné notre présidente, c'est l'allongement du délai de prescription à trente au lieu de vingt ans prévu par l'article premier. Je n'y reviens pas ; c'est la recommandation n° 6.
En ce qui concerne l'article 2 sur la répression du viol et des atteintes sexuelles, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, cet article étend la définition du viol incestueux aux victimes majeures, comme le préconisait très opportunément la proposition de loi de nos collègues Philippe Bas et Marie Mercier. Il s'agit là d'un vrai progrès. Notre recommandation n° 11 soutient ce progrès.
Toujours à l'article 2, l'Assemblée nationale a modifié la définition du viol prévue par le code pénal (« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ») pour permettre de réprimer des actes dans lesquels la pénétration est commise non pas seulement « sur » la personne d'autrui, mais aussi « avec » celle-ci. Il s'agit de prendre en compte dans la définition du viol le cas, par exemple, de fellations imposées. C'est une amélioration, car ces actes, dont les conséquences sur les victimes sont comparables à celles d'un viol, ne relèvent aujourd'hui, au sens du code pénal, que de l'agression sexuelle car la définition du viol implique la pénétration de la victime. Notre recommandation n° 9 préconise de conserver cette disposition.
S'agissant de l'article 2, Laurence Rossignol reviendra tout à l'heure sur ce qui concerne plus précisément la protection des enfants et je m'en tiendrai donc là pour cet article.
En ce qui concerne l'article 3 sur le cyber-harcèlement, un amendement clarifie le champ d'application de la nouvelle disposition proposée en matière de répression des « raids » numériques. Il s'agit de prévoir que, outre les cas dans lesquels le raid sera concerté, l'infraction pourra aussi être reconnue en cas de concertation « tacite ». C'est une précision importante qui étendra le champ d'application de cette nouvelle infraction.
Un autre amendement adopté à l'article 3 complète les circonstances aggravantes associées aux délits de harcèlement sexuel et moral, pour y intégrer l'utilisation de moyens de communication en ligne.
La recommandation n° 15 soutient ces mesures.
J'en viens aux articles additionnels introduits par les députés, nouvelles dispositions dont nous pourrions préconiser le maintien dans le texte adopté par le Sénat.
L'article 3 bis étend les circonstances aggravantes dont sont assorties certaines infractions.
Il crée ainsi une circonstance aggravante pour violences commises au sein des couples dits « non cohabitant » . Ce point répond à une préoccupation exprimée dans notre rapport sur les violences et l'on ne peut que s'en féliciter. En effet, elle doit permettre de mieux réprimer les violences commises contre de très jeunes femmes qui ne se sentent pas concernées par la notion de « violence au sein des couples », mais qui n'en subissent pas moins des comportements violents de la part de leur « petit ami ». Il s'agit là d'une évolution préoccupante de notre société, relayée par notre rapport. Notre recommandation n° 12 soutient cette avancée.
L'article 3 bis prévoit également des circonstances aggravantes pour des faits de violences commis en présence d'enfants. Cette disposition rejoint les positions exprimées dans notre rapport en ce qui concerne la protection des enfants exposés aux violences intrafamiliales. Comme l'a dit de manière très frappante l'un des experts que nous avons entendus au cours de cette session, « un enfant témoin est un enfant victime ». Il faut donc que ce point soit conservé par le Sénat : c'est la recommandation n° 4.
Cet article 3 bis prévoit aussi les circonstances aggravantes lorsque le harcèlement sexuel est imputable à un ascendant ou à une personne ayant autorité de droit ou de fait sur la victime et lorsqu'il est dû au conjoint ou partenaire de celle-ci. La recommandation n° 14 soutient cet ajout.
Les articles 2 bis A et 2 bis B proposent des mesures en vue de renforcer la prévention des violences faites aux femmes handicapées. On peut également s'en féliciter. Je rappelle que nous avons identifié les violences faites aux femmes handicapées comme un sujet de travail possible, au cours de notre réunion du 9 novembre 2017 relative à notre programme de travail de la session. Ce projet n'a malheureusement pas pu aboutir, en raison du décès de la regrettée présidente et fondatrice de l'association Femmes pour le dire, Femmes pour agir (FDFA). Néanmoins, je pense pouvoir dire, sous le contrôle de notre présidente, que nous gardons ce sujet en mémoire pour une date ultérieure. Notre recommandation n° 18 soutient bien évidemment ces deux articles.
L'article 2 bis C reprend en des termes identiques (sans en mentionner la source) l'article 6 bis de la proposition de loi Bas-Mercier, adopté à mon initiative... Il crée des circonstances aggravantes aux peines encourues pour les délits de non-assistance à personne en danger et de non-dénonciation des agressions et mauvais traitements infligés aux mineurs, si la victime a moins de quinze ans. Notre recommandation n° 3 préconise de façon cohérente de conserver cette disposition qui me tient particulièrement à coeur !
On note également plusieurs demandes de rapports. L'article 2 bis E concerne les dispositifs locaux d'aides aux victimes d'agressions sexuelles, avec l'objectif d'analyser la pertinence d'une généralisation d'un dispositif comme la Cellule d'accueil d'urgences des victimes d'agressions (CAUVA) de Bordeaux, qui permet aux victimes de viol et d'agression sexuelle de réaliser des prélèvements indépendamment d'un dépôt de plainte, dans le cadre d'une convention conclue entre le parquet et le CHU.
Cette demande de rapport va dans le sens de la recommandation n° 6 de notre rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, appelant à la généralisation, après expérimentation, du recueil des preuves indépendamment du dépôt de plainte par les victimes, dans des structures adaptées sur l'ensemble du territoire. Nous sommes donc favorables à son maintien dans le projet de loi au cours de son examen par le Sénat.
L'article 2 bis prévoit pour sa part un rapport du Gouvernement sur les dispositifs locaux d'aide à la mobilité des victimes de violences sexuelles. Il rejoint une préoccupation de la délégation sur la situation des femmes victimes de violences dans des territoires isolés, et qui peuvent être confrontées à des difficultés pour effectuer des démarches ou subir des soins, compte tenu de l'éloignement de leur domicile. Le rapport de la délégation sur les agricultrices, adopté en juillet 2017, s'était fait l'écho de ces difficultés. Notre recommandation n° 16 soutient les motivations de ces demandes de rapport.
Je cède la parole à Laurence Rossignol.