Intervention de Marie-Françoise Perol-Dumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 janvier 2018 à 9h30
Bilan de la réforme de l'expertise internationale-expertise france — Examen du rapport d'information

Photo de Marie-Françoise Perol-DumontMarie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteur :

Il s'agit bien d'un rapport à deux voix, sans aucune dissonance ; tant nous sommes en parfaite harmonie sur ce sujet ! La loi du 7 juillet 2014 disposait qu'Expertise France avait vocation à rassembler au 1er janvier 2016 l'ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique. Un délégué interministériel à la coopération technique internationale (DICTI), par ailleurs président du Conseil d'administration de l'agence, était chargé de conduire ce rapprochement. À ce jour, cette mission n'a pas été menée à bien. Seule une concertation entre Expertise France et les opérateurs non fusionnés au sein d'une « Alliance des opérateurs » a eu lieu.

Pourtant, aucun élément nouveau n'est venu remettre en cause les analyses qui ont conduit à la réforme de 2014. Bien au contraire : la volonté de rationaliser le dispositif, d'éviter des concurrences entre opérateurs, nuisibles tant à l'image de la France qu'à l'efficacité, de réaliser des économies, de promouvoir un opérateur de référence et d'emporter des appels d'offre internationaux sur des projets multisectoriels, tout cela est plus que jamais d'actualité.

Or, les représentants des opérateurs sectoriels que nous avons entendus, notamment celui de la justice et ceux de l'agriculture, défendent une coopération presque « artisanale », avec de petits projets réalisés à la demande de leur ministère de tutelle. De leur propre aveu, ils ne souhaitent tout simplement pas étendre leurs activités à des projets de grande ampleur. Il existe pourtant dans ces secteurs des besoins immenses, que l'expertise française, appuyée sur des financements internationaux, peut contribuer à satisfaire. En outre, ces petits opérateurs, qui souhaitent maîtriser leur développement, continuent pourtant à contrôler l'accès à l'expertise de leurs ministères respectifs, ce qui constitue un handicap sérieux pour Expertise France. Il existe de plus une concurrence de fait entre les différents opérateurs. En effet, les thématiques d'interventions fixées par le contrat d'objectif et de moyens (COM) d'Expertise France recoupent nettement celles de certains opérateurs sectoriels. Mais comme seule Expertise France est accréditée pour la gestion des fonds délégués de l'Union européenne, les opérateurs spécialisés doivent coopérer avec elle dans le cadre de consortiums, d'où des coûts de transaction élevés et une perte, pour ne pas dire une absence, de lisibilité des offres françaises. La coordination des différents opérateurs se fait également au détriment de leur équilibre économique en obligeant à un partage des frais de gestion. Un exemple particulièrement significatif de ces difficultés est le projet EL PAcCTO (programme d'assistance contre la criminalité transnationale en Amérique du Sud), qui a démarré en avril 2017 et qui se monte à 19 millions d'euros. Dans le cadre de la réponse à l'appel d'offres de la Commission européenne pour ce projet, les relations entre Civipol, l'opérateur du ministère de l'intérieur, et Expertise France ont été émaillées de nombreuses incompréhensions et dissensions, notamment lors de la négociation sur les frais de gestion du projet, ceci au détriment de l'image de la France.

Second trait dominant de la situation actuelle, les relations entre Expertise France et l'Agence française de développement (AFD) restent loin de l'esprit de la réforme de 2014 pour laquelle l'AFD devait être un des premiers donneurs d'ordre d'Expertise France. Les deux établissements ont certes signé un accord-cadre en novembre 2015, prévoyant que l'AFD confie à l'Expertise France en gré à gré un volume de 25 millions d'euros de projets dans le domaine de la gouvernance, qui constitue un des « coeurs de métier » d'Expertise France. Sur instruction du CICID du 30 novembre 2016, les deux opérateurs ont également conclu en juillet 2017 un « document stratégique conjoint sur le recours à l'expertise technique » précisant les modalités de la coopération en identifiant les thématiques, les zones géographiques et les instruments financiers les plus pertinents pour la mettre en oeuvre. Malgré ces engagements réciproques, en 2017, la part des financements de l'AFD mis en oeuvre par Expertise France, tous secteurs confondus y compris gouvernance, ne représentait seulement que 9% de son chiffre d'affaires. Sur les 25 millions d'euros de financement en matière de gouvernance prévus par la convention, seuls 4,6 milliards d'euros ont été réalisés, ce qui est inadmissible. L'AFD n'a pour l'essentiel confié à Expertise France que des petits contrats d'assistance technique sèche, là où l'agence a la capacité de faire beaucoup mieux. Malgré la tenue régulière de réunions de concertation, les relations entre les deux organismes restent empreintes de réserves, pour ne pas dire plus, qu'il est impératif de lever. Il existe en outre parfois une certaine concurrence entre les deux organismes, notamment pour l'accès aux financements bilatéraux. Ceci traduit semble-t-il une certaine crainte chez l'opérateur le plus ancien, l'AFD, de se voir concurrencer par l'opérateur le plus récent, Expertise France ; cette crainte est à mon sens injustifiée au regard des missions bien distinctes de chacun des opérateurs et de leur différence de surface financière. Après les constats, je laisse la parole à Jean-Pierre Vial pour vous présenter nos propositions.

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