Intervention de Jean-Pierre Grand

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 juin 2018 à 9h00
Politique de coopération — Activités de l'assemblée parlementaire de l'union pour la méditerranée : communication de m. jean-pierre grand

Photo de Jean-Pierre GrandJean-Pierre Grand :

J'ai assisté, il y a un mois au Caire, à la session plénière de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée, où je représente le Sénat.

Ma première observation portera sur les débats en tant que tels. La session était entièrement dédiée à la question de la lutte contre le terrorisme. Ayant pris connaissance des échanges qui ont eu lieu par le passé au sein de cette assemblée, je craignais que ce sujet ne soit phagocyté par deux autres problématiques : le conflit israélo-palestinien et la question du Sahara occidental. En tant que vice-président de la commission des affaires politiques, de la sécurité et des droits de l'homme, qui était chargée de la préparation d'une recommandation sur le rôle des parlements nationaux dans la lutte contre le terrorisme, j'ai pu cependant observer une véritable unanimité sur le sujet, sans que ces deux questions ne viennent paralyser l'adoption du texte, ce qui n'était pas gagné d'avance.

Il en découle un texte relativement équilibré, abordant cette problématique sans naïveté et pointant tous les domaines dans lesquels les pays des deux rives doivent unir leurs efforts : la lutte contre le trafic d'armes, le blanchiment d'argent, la contrebande de biens culturels ou la surveillance d'internet, dans le respect bien évidemment des libertés fondamentales. Nous avions débattu des mêmes problématiques lorsque j'ai accompagné le président du Sénat au Niger et au Tchad. La recommandation insiste notamment sur le renforcement de la coordination entre les institutions financières, les autorités répressives et les organes judiciaires.

Le texte a été adopté à l'unanimité en séance plénière. Je relève l'absence d'écho médiatique sur ce vote, dont la portée symbolique me paraît pourtant importante. On en revient sans doute au problème de positionnement et de visibilité de l'Union pour la Méditerranée, qu'avaient relevé nos deux collègues Louis Nègre et Simon Sutour dans leur rapport présenté en 2016 sur le volet méditerranéen de la politique de voisinage. C'est un problème de positionnement, car l'Union pour la Méditerranée a été envisagée à l'origine comme un organe au service de projets concrets de développement : tronçons autoroutiers, usines de dessalement... C'est aussi un problème de visibilité, car l'Union pour la Méditerranée, et en particulier sa branche parlementaire, s'inscrit dans un cadre institutionnel euro-méditerranéen déjà bien fourni : Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures, Centre pour l'intégration en Méditerranée, Office de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient, Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne et enfin Assemblée parlementaire de la Méditerranée. Je doute notamment de la pertinence de disposer de trois assemblées parlementaires euro-méditerranéennes.

Comme l'avaient indiqué nos collègues il y a deux ans, il pourrait être envisagé une fusion des organes parlementaires au sein de l'AP-UpM, d'autant plus que celle-ci va se structurer avec la mise en place dans les prochains mois d'un secrétariat permanent. Il s'agirait pour l'heure d'un dispositif assez léger qui ne devrait pas dépasser la dizaine de personnes, principalement un secrétaire général et un directeur chargé des affaires financières. La gestion des quatre commissions et des deux groupes de travail continuerait, en effet, à dépendre des chambres des parlements des États membres qui en assurent les présidences.

Reste la question de la localisation de ce secrétariat. Un appel à candidature a été lancé et trois villes ont déposé un dossier : Rome, Istanbul et Marseille. Une décision devait être rendue par le bureau de l'AP-UpM à l'occasion de cette session. Nous n'avions aucune chance ! Deux des quatre membres sont italiens. Ce bureau est composé jusqu'en 2020 du Parlement européen (membre permanent et représentant de la rive Nord de la Méditerranée), de la Chambre des députés italienne (au titre de la rive Nord), du Parlement turc et de la Chambre des représentants égyptienne (tous deux au titre de la rive Sud).

La présidence égyptienne de l'AP-UpM était favorable au dossier français, le premier à avoir été déposé. Les autorités italiennes se sont engagées à adopter un accord de siège pour l'AP-UpM, prévoyant un régime classique de privilèges et immunités accordés aux institutions internationales. J'ai, à l'occasion d'un entretien avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, reçu l'assurance que la France accorderait un régime semblable si Marseille était choisie.

À l'invitation de la présidence égyptienne, et alors que ce n'était pas prévu, j'ai pu m'exprimer devant le bureau de l'AP-UpM. J'ai rappelé le symbole que représentait Marseille, l'engagement de la France à accueillir le secrétariat permanent, le consensus politique autour de cette question et les termes de mon entretien avec le ministre. Je me suis notamment appuyé sur le cas de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, installée en France, et j'ai souligné que des précisions seraient apportées rapidement par le Gouvernement sur les contours d'un accord de siège, qui répondrait en tous points à l'offre romaine.

La France ne propose pas d'accord de siège « préalable » ; c'est seulement lorsque nous sommes désignés pour accueillir une ambassade que nous prenons les dispositions nécessaires. J'ai également précisé que l'engagement italien pouvait être remis en question au regard de la situation politique de ce pays, puisque l'Italie n'avait plus de gouvernement à cette époque !

Malgré un soutien du Parlement européen, représenté par un député italien, au dossier romain, la présidence égyptienne a obtenu un report du vote à la prochaine réunion de bureau. Celle-ci, initialement fixée au 25 juin prochain, pourrait être reportée à la rentrée en raison du contexte politique en Turquie. En attendant, il apparaît urgent que les autorités françaises étayent le dossier marseillais afin qu'il présente les mêmes garanties que celui déposé par l'Italie.

Il convient d'intensifier notre lobbying. Nous ne gagnerons qu'à la condition d'être très actifs sur ce plan. J'ai d'ores et déjà prévenu la mairie de Marseille et le conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur. J'ai également transmis ces informations au cabinet de Gérard Larcher, qui avait appuyé - comme François de Rugy - la candidature marseillaise. Le président Larcher a adressé, récemment, une nouvelle lettre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, réaffirmant son soutien.

La délégation de l'Assemblée nationale à l'AP-UpM envisage aujourd'hui le dépôt d'une proposition de loi prévoyant un accord de siège. Ce texte aurait avant tout une valeur symbolique, dans l'attente de la désignation officielle. Une démarche identique au Sénat pourrait faire sens et appuyer la candidature marseillaise. Je m'en suis ouvert auprès du cabinet du président et vais prendre contact avec mes collègues des Bouches-du-Rhône. Je rappelle que la France a été, en 2008, à l'origine de la création de l'Union pour la Méditerranée et que l'installation sur son territoire d'un de ses organes apparaît plus que légitime.

En conclusion, j'ai été frappé, alors que je ne connaissais pas l'AP-UpM, par l'activité et l'implication de ses membres, notamment la détermination et la pugnacité des femmes, par exemple de la délégation parlementaire algérienne. Cette affirmation des femmes de la rive Sud de la Méditerranée est rassurante dans le contexte que l'on connaît.

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