Intervention de Viviane Artigalas

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 juin 2018 à 9h30
Audition de M. Emmanuel Besnier président du conseil de surveillance du groupe lactalis

Photo de Viviane ArtigalasViviane Artigalas, rapporteure :

Le législateur est d'abord intervenu, à travers la loi dite ALUR, pour permettre aux communes confrontées à une tension sur le marché du logement, de mettre en place un régime d'autorisation de changement d'usage. Celui-ci est obligatoire dans les villes de plus de 200 000 habitants ou de la petite couronne parisienne et optionnel pour les communes appartenant à une zone urbaine de plus de 50 000 habitants. Toute commune peut également demander au préfet de mettre en place un tel régime. L'autorisation peut donner lieu à compensation : par exemple, à Paris, l'autorisation est subordonnée à la transformation d'un autre local en logement dans le même arrondissement, correspondant jusqu'au double de la surface du logement loué en meublé de tourisme.

La loi ALUR permet également aux communes d'imposer une autorisation temporaire de changement d'usage non soumise à compensation et octroyée uniquement aux personnes physiques.

Ce texte a surtout basé l'ensemble du système sur la distinction entre résidence principale - occupée au moins huit mois par an - et résidence secondaire : seules ces dernières sont soumises à autorisation dans le cadre du changement d'usage. Le défaut d'autorisation est sanctionnable de 50 000 euros d'amende civile, de 1000 euros par jour d'astreinte. Les fausses déclarations ou la dissimulation des locaux soumis à autorisation sont également punissables d'un an d'emprisonnement et de 80 000 euros d'amende. Pour appliquer ces dispositions, les communes peuvent mettre en place des équipes de contrôleurs armés d'un droit de visite des locaux. Néanmoins, en pratique, face à la croissance des meublés de tourisme, les communes manquent de moyens pour effectuer des contrôles et les manquements ne sont pas faciles à prouver.

C'est pourquoi le législateur a prévu de mettre à contribution les intermédiaires, et en particulier les plateformes. La loi ALUR les oblige à informer les loueurs sur leurs obligations. De plus, la loi pour une République numérique a permis aux communes de se doter d'un nouvel outil impliquant les intermédiaires. Les communes ayant mis en place une autorisation de changement d'usage peuvent mettre en place une télédéclaration obligatoire et préalable à la mise en location : elle donne lieu à la délivrance d'un numéro d'enregistrement qui doit obligatoirement figurer sur l'annonce du meublé de tourisme. Dans ces villes, les intermédiaires ont l'obligation de bloquer la publication d'une offre qui dépasserait 120 jours pour une résidence principale. En effet, le dépassement de ce seuil fait basculer un local en résidence secondaire, soumise à autorisation de changement d'usage et éventuellement à compensation. Les intermédiaires doivent également informer la commune, à sa demande, du nombre de nuitées réalisées dans un même logement.

L'article 51 du projet de loi ELAN entend renforcer ce dispositif et mettre fin à certains de ses défauts. D'abord, il clarifie le droit en vigueur : cette réglementation ne concerne plus la chambre chez l'habitant, dans la mesure où cette pratique ne soustrait pas le logement du marché locatif traditionnel. Ensuite, il renforce les moyens des communes, en obligeant les loueurs à rendre compte du nombre de nuitées commercialisées dans ce logement. Enfin, et surtout, il vise à rendre plus immédiate la sanction des loueurs et des intermédiaires avec des amendes civiles aggravées et prononcées à la demande des communes après jugement en la forme des référés.

Par ailleurs, les plateformes représentées par un syndicat professionnel se sont engagées auprès du Gouvernement à respecter la loi.

Vos rapporteures approuvent l'adoption de ces dispositions par les députés ainsi que les engagements des plateformes : cela renforce l'effectivité de la loi tout en préservant la stabilité d'un dispositif d'ores et déjà considéré comme suffisamment compliqué.

En complément, nous formulons plusieurs recommandations de bon sens. Pour garantir l'effectivité de la législation en zone tendue, nous suggérons d'abord que les plateformes mettent en place un outil mutualisé de blocage à 120 jours, sans quoi un loueur bloqué sur une plateforme peut s'inscrire sur une autre. Ensuite, vos rapporteures ont relevé un déficit de dialogue entre les plateformes, les communes et l'administration centrale. Pour établir un lien de confiance et clarifier la situation, une charte régissant les relations entre les communes et les plateformes pourrait être rédigée conjointement entre les représentants des plateformes, des communes et de l'administration centrale. Celle-ci pourrait définir les grands principes à respecter pour une mise en oeuvre efficace et simple des dispositions en vigueur, comme, par exemple, l'instauration d'un dialogue préalable à la mise en place d'une procédure de changement d'usage et d'enregistrement.

Nous estimons également souhaitable que l'État s'investisse davantage dans la mise en oeuvre de cette politique avec un recensement actualisé et centralisé des décisions des communes instaurant des autorisations de changement d'usage et des télédéclarations soumises à enregistrement. Un guide pourrait également être rédigé pour rappeler aux collectivités territoriales l'ensemble des dispositions en vigueur et les bonnes pratiques existantes.

Par ailleurs, vos rapporteures estiment que le droit en vigueur doit fournir des outils opérationnels aux communes qui souhaitent améliorer leur politique touristique dans des zones où le marché du logement n'est pas en tension. En 2009, une déclaration dite « simple » déposée en mairie, par un formulaire cerfa harmonisé, avait été rendue obligatoire avant toute mise en location de meublé de tourisme. Elle a cependant été supprimée pour les résidences principales à l'occasion de la loi ALUR et son rétablissement apparaît aujourd'hui nécessaire pour assurer aux communes une meilleure visibilité sur leur parc d'hébergement touristique. Cela aurait également l'avantage de rendre plus lisible la réglementation pour l'utilisateur, qui déclarerait son meublé de tourisme quelle que soit sa situation. Seules les modalités de la déclaration et leurs conséquences juridiques changeraient selon que la ville dans laquelle est situé le meublé de tourisme a mis en place ou non une autorisation de changement d'usage et une déclaration soumise à enregistrement.

Pour conclure, notre position se résume en trois mots : liberté, stabilité, efficacité. Liberté des communes de réguler leur parc d'hébergement touristique, surtout en cas de tension sur le marché du logement. Stabilité des normes, afin de ne pas bouleverser les acteurs du secteur. Enfin, et surtout, efficacité de la mise en oeuvre du droit en vigueur, à travers un dialogue renouvelé entre territoires et acteurs économiques, avec un accompagnement de l'État.

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