Intervention de Brune Poirson

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 juin 2018 à 9h30
Économie circulaire — Audition de Mme Brune Poirson secrétaire d'état auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Brune Poirson, secrétaire d'État :

Merci pour la grande qualité et la diversité de vos questions. Cela montre que le sujet est transpartisan et part des territoires. Nous en attendons beaucoup. Je vous remercie de votre rôle actif sur l'économie circulaire, vous avez donné de bonnes pistes. Certains d'entre vous font preuve d'une remarquable créativité !

Petit rappel de méthode, la feuille de route sur l'économie circulaire commence à s'appliquer maintenant. Beaucoup a été fait précédemment -des rapports ou des actions sur le terrain. Nombre d'entre vous sont en première ligne sur les centres de tri ou les campagnes de communication, et je vous en remercie. Nous devons passer à la vitesse supérieure, avec une volonté politique forte. Les entreprises sont motivées, les citoyens le demandent.

Dès l'origine, nous aurions pu utiliser comme moyen la sanction. Cette feuille de route a été construite sur la base d'un consensus. Certains de vos collègues tiraient dans l'autre sens, il a fallu construire un équilibre. Nous avons des objectifs précis, débattons des moyens. Faisons confiance aux acteurs avant de les contrôler. Mais à la date butoir, nous serons intransigeants, et si les objectifs ne sont pas respectés, nous sanctionnerons.

Un groupe de travail réfléchit actuellement sur les engagements volontaires pour intégrer des matières plastiques recyclées dans les produits sur le marché. Les industriels ont bien compris qu'il leur fallait être ambitieux. Si d'ici deux ans les résultats ne sont pas suffisants, les mesures deviendront obligatoires. Beaucoup d'acteurs préfèrent anticiper.

En France, à l'échelle des collectivités, il est malheureusement moins cher de mettre en décharge que de recycler des déchets. Notre taux de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est largement inférieur à celui des pays voisins. Nous augmenterons la TGAP. Mais il est trop facile de tout faire peser sur les collectivités. Nous voulons que cette hausse soit neutre pour les collectivités, et nous avons pris des mesures en ce sens. Certaines mesures s'appliqueront dès le prochain projet de loi de finances, la hausse de la TGAP intervenant plus tardivement.

Nous avons repris l'idée d'une TGAP amont à travers les nouvelles filières REP. Il y en a 14, nous allons en créer de nouvelles pour alléger les poubelles, notamment pour les jouets, le bricolage, les articles sportifs. Nous avons engagé des discussions pour réformer le système de gouvernance des filières actuelles afin de leur donner des objectifs de résultats et alléger le cahier des charges, et que ces éco-organismes soient plus créatifs.

Pour rééquilibrer la hausse de la TGAP, nous abaisserons le taux de TVA de 10 à 5 % pour la prévention, la collecte, le tri, la valorisation des déchets. L'objectif du service public de gestion des déchets est de rendre le recyclage plus compétitif que la mise en décharge. Nous allons réduire drastiquement, mais temporairement, les frais de gestion perçus par l'État pour le recouvrement de la TEOMI, qui passeront de 8 à 3%. J'ai reçu la semaine dernière les industriels du tabac. Comme pour les bouteilles en plastique et le mobilier, ils doivent s'organiser et créer des éco-organismes pour les produits mis sur le marché. Ramasser des mégots, c'est un coût de 30 milliards d'euros par an, supporté par l'ensemble des contribuables, fumeurs ou non. Nous voulons que ces industriels participent à la lutte contre ce fléau. Ils devront faire des propositions d'ici septembre.

Nous allons mettre en place le paquet fiscal le plus neutre pour les collectivités territoriales. Il est nécessaire de rééquilibrer la fiscalité pour que la mise en décharge soit moins compétitive et moins attractive.

Je n'ai pas suffisamment parlé de l'économie sociale et solidaire dans mon introduction, faute de temps, car je souhaitais privilégier l'échange avec vous. L'économie sociale et solidaire est un axe essentiel de l'économie circulaire. L'économie circulaire est une opportunité pour la France, d'autant que la Chine a fermé ses frontières à l'importation de plastiques de mauvaise qualité. Une politique industrielle en faveur du recyclage créerait potentiellement 300 000 nouveaux emplois en France. Avec le ministère du travail, nous avons mis en place un groupe de travail sur la montée en compétences. Nous avons largement défriché le sujet de l'économie circulaire durant l'élaboration de notre feuille de route. Les acteurs de l'économie sociale et solidaire et de l'insertion par l'activité économique dans les filières de réemploi, de recyclage et de réparation sont engagés depuis longtemps, et sont des vigies et éclaireurs de nombreuses actions. Ainsi, une partie des jouets pourrait être transférée à ces acteurs de l'économie sociale et solidaire pour réparation et réemploi.

Nous souhaitons nous inspirer du plan de lutte contre le gaspillage alimentaire du précédent gouvernement - nous reconnaissons les bonnes idées ! - pour faire la même chose sur le textile. Trop souvent, les industriels, une fois la saison passée, brûlent les vêtements invendus, alors qu'ils pourraient être transférés vers l'économie sociale et solidaire.

Dans les secteurs de la mobilité douce et de l'autopartage, la promotion des circuits courts alimentaires, l'écoconstruction, l'éco-réhabilitation, nous voulons utiliser l'économie sociale et solidaire dans ses trois dimensions : le développement économique et l'emploi, l'innovation sociale, la mobilisation des citoyens.

Le réemploi du matériel pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées est une question cruciale, portée par le réseau Envie - en passe de devenir une société nationale Envie Autonomie. C'est un élément essentiel de la lutte contre les inégalités sociales, et qui est bénéfique pour l'emploi et la planète.

Nous voulons reprendre ces principes innovants et aller plus loin, notamment pour que le système de santé ne distribue plus systématiquement du matériel neuf : lorsqu'il est pris en charge totalement ou partiellement, ce matériel devrait être restituable. Cela favoriserait aussi l'emploi par l'insertion et la rénovation du matériel.

Les déchets du secteur du bâtiment constituent la grande majorité - 70 % - des déchets en France. Depuis le 1er janvier 2017, la reprise de leurs déchets par les professionnels du bâtiment est obligatoire. La majorité des distributeurs ont donc mis en place des solutions, qui ne sont malheureusement pas à la hauteur de l'urgence environnementale. Freins essentiels, tous les distributeurs ne sont pas concernés et la reprise n'est pas gratuite. Nous devons aller plus loin et améliorer la gestion des déchets et le remploi des matériaux. Le périmètre du diagnostic déchets doit être revu. Nous voulons aussi rendre la collecte de ces déchets plus efficace pour lutter contre les dépôts sauvages. Je préconise l'instauration d'une filière REP pour les déchets du bâtiment, pour parvenir à la gratuité de la reprise des déchets. Il faut aussi multiplier les installations de traitement nécessaires pour le remploi. Un groupe de travail réunissant les acteurs du secteur a été lancé la semaine dernière.

Avec l'indice de réparabilité, nous voulons rappeler que l'obsolescence programmée est un délit. Nous allons renforcer l'obligation des fabricants et des distributeurs en matière d'information sur la disponibilité des pièces détachées. L'indice serait un chiffre de 1 à 10, à côté du prix, pour évaluer la robustesse, la durabilité et la réparabilité du produit. Cela créerait une concurrence par le haut entre les acteurs. Ce doit être un facteur de compétitivité pour une entreprise, comme Seb, qui s'est spécialisée en produits de très bonne qualité avec une durée de vie importante. C'est bon pour l'environnement et l'emploi.

Le ministre de l'éducation est très favorable à des actions dans les écoles. La semaine prochaine, nous allons travailler sur une initiative concrète sur les piles usagées, et nous ferons des annonces plus structurantes. Je vous solliciterai à l'avenir, nous avons besoin de vous.

Mme Cartron, vous avez souligné l'initiative remarquable du Smicval. Alain Marois est l'un des ambassadeurs de l'économie circulaire, et je serai ravie de me rendre en Gironde. Nous sommes aussi actifs sur l'immeuble Le Signal. Nous réfléchissons aussi sur le recyclage des bouteilles en plastique.

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