Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 juin 2018 à 8h35
Proposition de directive du parlement européen et du conseil com 2018 218 sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l'union e13046 — Communication et présentation d'une proposition de résolution

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Le travail législatif effectué en France lors de l'examen de la loi « Sapin 2 » a instauré un régime très efficace et équilibré de protection des lanceurs d'alerte.

L'article 6 de cette loi prévoit une définition totalement acceptée du lanceur d'alerte : « Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. » Cette définition est claire, large et néanmoins encadrée.

L'article 6 ajoute une réserve : l'alerte ne peut porter sur des informations couvertes par les trois secrets que sont le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client.

Une immunité pénale est prévue au profit du lanceur d'alerte, à condition de signaler la procédure qui s'impose à lui. En premier lieu, le signalement doit être porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou d'un référent interne ; en deuxième lieu, en l'absence de diligence de la personne destinataire de l'alerte interne, le lanceur d'alerte peut s'adresser aux autorités administratives ou judiciaires ; en troisième lieu, si le système précédent ne fonctionne pas et que les autorités n'ont pas traité l'alerte dans un délai de trois mois, le lanceur d'alerte peut divulguer l'information au public. Surtout, l'alerte interne peut être omise en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles. Le Défenseur des droits s'est vu confier une mission d'orientation des lanceurs d'alerte. La loi « Sapin 2 » prohibe toute mesure de représailles à l'encontre d'un lanceur d'alerte dans le cadre professionnel. Enfin, un décret du 19 avril 2017 a précisé les procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l'État.

Le régime issu de la loi « Sapin 2 » a fait de la législation française un modèle très avancé, cohérent et équilibré, qui sert de référence en matière de protection des lanceurs d'alerte. Une large partie de la loi est sur ce point d'inspiration sénatoriale, rappelons-le.

Satisfaisons-nous du fait que la proposition de directive est en grande partie inspirée de l'esprit français. Elle est d'harmonisation minimale : les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables aux droits des lanceurs d'alerte. Toutefois, elle comporte certaines divergences de fond avec la législation française, qui peuvent soulever de réelles difficultés. Aussi, je vous propose que nous incitions à une reprise du schéma français de protection des lanceurs d'alerte.

La proposition de directive n'évoque pas la possibilité de réintégration dans l'emploi du lanceur d'alerte en cas de licenciement par représailles ; je vous propose de demander la réparation de cet oubli. La proposition de directive ne retient par ailleurs aucun caractère de gravité ; je vous propose de demander de l'ajouter. Je vous propose aussi de demander la suppression de la possibilité de l'anonymat du lanceur d'alerte. La législation française a toujours défendu l'alerte éthique et non la dénonciation. Je propose d'inscrire l'impossibilité de s'affranchir des trois secrets professionnels évoqués plus tôt, que la proposition de directive ne reprend pas. Enfin, je vous propose de demander de revenir sur la rédaction qui ne précise pas expressément le caractère désintéressé et de bonne foi du lanceur d'alerte.

Insistons pour que la proposition de directive aille beaucoup plus loin et reprenne tous ces points.

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